Lambert GT9 : l’art de la résistance

Olivier Lambert fabrique des vélos sur mesure en acier et en titane dans son atelier situé à Aigle. Amaël nous parle ici du GT9, un modèle route en acier qu’il a adapté à ses caractéristiques, mais aussi à ses envies.

Si le romantisme permet d’enjoliver n’importe quelle histoire cycliste, il peut aussi brouiller la réalité sous un flot d’adjectifs ou d’envolées métaphoriques. L’objectif de cet essai est limpide : nous allons dépoussiérer quelques idées reçues et mettre les sensations à l’épreuve du concret. Installez-vous, respirez, laissez-vous guider par la froide élégance du métal et le factuel de la technique.

Quelles sont nos priorités ?

Le carbone domine l’univers du cycle depuis plusieurs décennies. C’est devenu une évidence pour beaucoup, presque un réflexe. Les qualités de la fibre noire se montrent évidentes : avec le carbone, il est aisé de concevoir des cadres au rapport poids/rigidité optimisé.

Au moment de choisir son futur vélo, et si la vraie question n’était pas le poids, ni l’aéro, ni la mode, mais le caractère, l’âme du cadre, son impact sociétal ou environnemental et la préférence pour un circuit de production court ? Alors le titane et l’acier, loin d’être de simples seconds choix, mériteraient une considération particulière.

Grâce au sur-mesure et à des tubes soigneusement choisis, on « matche » le châssis en fonction de sa morphologie et de ses capacités physiques. Alors, sur le Tinder des vélos, lorsque les cadres composites sont apparus, j’ai tout simplement « swipé » à gauche, pas par dégoût, mais par convictions personnelles.

Le Lambert GT9 01

Peu importe le matériau : les qualités dynamiques d’un cadre dépendent avant tout de son architecture, de l’épaisseur et de la forme des tubes, ainsi que de leur assemblage, qu’il s’agisse de brasure ou de soudure TIG. Autrement dit, évitons les raccourcis : l’acier n’est jamais simplement « de l’acier ».

C’est le premier GT9 !

En discutant avec Olivier Lambert à propos de ce Lambert GT9, tout premier exemplaire fabriqué, j’apprends que le choix s’est orienté vers des tubes provenant de chez Dedacciai. C’est la série Zero qui a été retenue. L’alliage d’acier se nomme 25CrMo4 : en plus du fer, on y retrouve un zest de carbone, du chrome, du molybdène, du manganèse et du silicium.

Cette série de tubes se montre moins onéreuse que les Columbus Spirit ou autres Reynolds 853. Si ses qualités mécaniques sont très légèrement inférieures, la mise en œuvre est plus facile et elle résiste très bien à la fatigue. À noter qu’un cadre complet ne peut d’ailleurs pas être fabriqué entièrement en 853 : cette série ne propose pas de bases ni de haubans prédéfinis.

Mais trêve de comparaison, revenons au GT9. Sur ce modèle, orienté performance, les tubes sont relativement généreux au niveau de leur diamètre. Sans entrer dans les détails, ils sont tous à épaisseurs variables. La zone la plus fine, 0,45 mm, se retrouve sur le tube diagonal. Les bases sont fuselées, les tubes diagonal et supérieur sont ovalisés.

Les pattes coquilles, la patte de dérailleur est de type UDH. Elle accepte les dérailleurs classiques tout comme les T-Type.

Le pédalier adopte le standard T47, les pattes sont de type coquille, la patte de dérailleur est de type UDH. Ce cadre accepte ainsi aussi bien les dérailleurs classiques que les versions « T-Type » de chez SRAM.

Pour faciliter l’entretien, la douille de direction conique se passe de routage interne. Il s’agit d’un choix assumé. Mais qu’on ne s’y trompe pas : sur un cadre artisanal, tout est personnalisable. Le passage interne reste une option si l’acquéreur le souhaite.

L’architecture repose sur des soudures TIG, des haubans abaissés et un top tube légèrement sloping. Les colliers de tige de selle et de dérailleur avant sont rapportés, pour une esthétique épurée et une fiabilité accrue. L’acier, matériau historique, prouve ici qu’il sait évoluer et rester concurrentiel.

Les haubans sont abaissés

À l’avant, le GT9 reçoit une fourche en carbone. Qu’il s’agisse d’acier, d’aluminium ou de titane, il est aujourd’hui très difficile de rivaliser avec les qualités dynamiques et le poids d’une fourche composite. Le choix est donc logique. Le cadre GT9 s’échange contre 2’500 CHF, plus d’informations sur Lambert Cycles.

Lambert propose également une version en titane du GT9 (4’500 CHF), qui offre un gain de poids d’environ 450 grammes. J’ai opté pour l’acier, dont le comportement plus viril correspond davantage à mes souhaits.

Tendez l’élastique !

Avant de partir sur cet acier, j’avais roulé sur un cadre Lambert en titane issu d’une génération précédente de la famille GT9. Le passage du titane à l’acier s’est fait en douceur. L’équipement a été récupéré de ce dernier. Les changements concernent uniquement la potence, la tige de selle et la fourche.

Dès les premiers tours de manivelle, je sens que les petits correctifs apportés à la géométrie du châssis sont en parfaite adéquation avec ce que je recherchais. Le tempérament se montre plus viril. Ce Lambert va devoir être dompté avant que je puisse en tirer toute sa quintessence !

Petit passage en force, le GT9 01 ne bronche pas, il accepte les watts sans broncher !

Le premier point que je perçois concerne le pédalage. Alors que je devais accélérer au couple sur le titane, le GT9 s’accommode aussi bien du passage en force à faible cadence que d’un rythme élevé et de relances nerveuses. Il accepte les baisses de puissance, sans toutefois se montrer aussi conciliant que le titane. Ce vélo est une main de fer dans un gant de velours !

Quid de la nervosité et de la rigidité face à un cadre en carbone ? En passant de l’un à l’autre, une période d’acclimatation est nécessaire. Sur un acier haut de gamme et un carbone de qualité comparable, les rigidités sont proches, mais les raideurs diffèrent. La raideur correspond à la résistance d’un système à la déformation. Elle dépend de la forme et du volume de la pièce, des conditions de chargement et du mode de déformation.

En règle générale, un cadre en carbone se montre plus explosif dans les premiers instants d’une relance. Sur un acier, le cadre fléchit légèrement avant de renvoyer l’énergie. Pour faire une analogie automobile, on pourrait comparer cela à une voiture sportive des années 90. On ressent l’effet turbo à l’ancienne : il faut tendre l’élastique avant de bondir vers l’avant.

Les choix effectués sur ce vélo en font un modèle idéal pour les parcours nerveux et explosifs. Ce n’est pas le vélo des grimpeurs ailés. Heureusement, car c’est tout sauf ce que je suis ! En revanche, en prenant les commandes, en pilotant fermement et en soignant les trajectoires, les descentes de cols s’enchaînent à un rythme diabolique.

Au final, la magie de l’acier opère toujours. Je me sens parfaitement bien posé sur ce vélo, et son caractère s’accorde au mien. Il répond à mes attentes et à mes sorties habituelles, plutôt courtes et nerveuses. Dans l’univers du vélo, tout est affaire de compromis et de priorités.

Quelles évolutions pour le futur ? Plusieurs pistes sont envisagées, notamment le remplacement du groupe. Je pense partir sur un Force XPLR afin de bénéficier de la suppression de la patte de dérailleur et de pouvoir moduler la transmission en 1×13 ou 2×13. Au final, j’aurais volontiers opté pour une intégration complète mais je n’ai pas coché cette option lors de la validation du cadre… Caramba !

Voilà pour le Lambert GT9. Et inévitablement, le choix de l’acier suscite de nombreuses questions : poids, aérodynamique et autres préoccupations reviennent sans cesse. Dans un prochain article, nous y répondrons de manière factuelle.

Pour en savoir plus sur les vélo Lambert et le travail d’Olivier : https://lambert.bike

Amaël Donnet

Il se souvient de ses temps sur le tricycle, pourtant ce n’est qu’à l’âge de 11 ans, au moment de laisser tomber le judo, qu’ Amaël a sérieusement commencé à rouler à vélo en partant à l’aventure et en prenant part à quelques petites courses. Par la suite, aucune catégorie ne lui a échappé malgré un petit interlude snowboard. Aujourd’hui, que ce soit à VTT enduro, XC, sur route, gravel ou encore en jouant au bike polo, ce drôle de zèbre (référence instagram ;)) trouve toujours de quoi se faire plaisir sur ses biclous. Professionnellement, il travaille en tant que rédacteur spécialisé dans des magazines cyclistes et occupe un poste d’entraîneur et responsable technique pour Talent Romandie tout en étant actif dans le cursus de formation J+S. Trouvez ses articles ici.