Le bikepacking en mode familial

Voici un article peu plus léger que mes papiers habituels… C’est le genre d’humeur que j’ai quand je suis en vélo avec ma « grande » fille. Il s’agit plutôt d’un essai (court), un brin sarcastique, pour rendre les voyages en famille plus simples et démonter le cliché que « partir avec son enfant, c’est compliqué »… J’ai choisi ici de ne prendre en compte qu’un enfant, mais partir en famille à plusieurs peut se jouer selon les mêmes règles, ou presque.

Donc, à la naissance de notre petite dernière début juillet, ma femme et moi avions à cœur de permettre à la grande sœur (4 ans) de continuer à être active, découvrir le monde, se faire de nouveaux amis, en bref, continuer à vivre plein d’aventures de son âge.

Ma femme s’est assurée de me rendre la tâche plus simple en m’offrant un livre que je recommande vivement à tout parent soucieux de faire aimer à sa progéniture les joies des sorties en nature, sous toutes leurs formes. « Papa Rando » sera un soutien de toutes les galères, même pour les plus expérimentés d’entre nous. Le livre sous le bras, je me décidai, en dernière minute, d’embarquer (terme on ne peut plus adéquat) ma fille pour 3 jours de bikepacking quelque part en Suisse.

L’idée première était de passer du temps avec elle (nous en avons les deux régulièrement besoin), de voyager à son rythme (être à son écoute) et de lui faire découvrir son pays (merci la COVID). A savoir que, pour la première fois, elle serait sur un vélo suiveur, donc sur selle, même si elle n’aurait pas réellement besoin de pédaler.

J’ai également choisi de dormir en hôtel/BNB et de manger dans des boulangeries, voir, le soir, dans des restaurants. Une initiation que l’on qualifiera donc de « pas à pas ». A savoir que l’an dernier elle a eu sa première expérience de voyage à vélo mais en charrette et sous tente, entre Meiringen et Genève lors d’un voyage d’une semaine.

A celles et ceux qui auraient la même idée que moi, voici ci-dessous pêle-mêle quelques conseils et idées.

Je conseille fortement des zones plates ou très peu vallonnées. A moins d’avoir une forme physique d’excellent niveau, ne négligez pas l’ajout du poids des bagages, de celui de votre enfant, de son vélo suiveur/de sa charrette et de votre monture. Je me retrouvai alors à tirer 12kg + 22kg + 12kg + 11kg (je vous laisse faire le calcul)… Les montées, si courtes soient-elles, vous font vite transpirer et, en s’accumulant, ont leur petit effet sur la fatigue des muscles !

J’ai choisi un dénivelé journalier de 500m, sur une distance approximative de 40 à 50km par jour. Avec ces données et connaissant un peu la région, j’ai opté pour la région de Zürich :

130 kilomètres au total et un peu moins de 1’500m de dénivelé.

Le tout en suivant des itinéraires balisés SuisseMobile. Pourquoi se fatiguer (en plus avec un enfant à charge) à créer des itinéraires alors qu’une grande offre de traces balisées et sécurisées (en général) existe déjà ? A moins de savoir exactement où vous allez, simplifiez-vous la vie et suivez un itinéraire existant. SuisseMobile n’est qu’un exemple, mais il est sûrement, dans notre pays, le plus accessible.

Assurez-vous d’avoir le temps pour des arrêts places de jeux, visites (grottes, musées, zoo, etc) dans votre timing. Avoir le temps est une des clés de la réussite de votre excursion. Je prévois généralement 4 arrêts par jours (repas de midi compris), modulables en fonction du timing avec des jeux et des points d’intérêts lors de mes voyages à vélo en famille. Cela fait de bonnes journées bien remplies, mais aussi l’occasion parfois de faire des pauses pour les adultes.

Avec quoi ?

Ma fille a récemment reçu un vélo suiveur de la marque Trek (modèle Mountain Train). J’y ai ajouté une pochette à nourriture Apidura pour les barres de céréales et une pochette toptube Restrap pour ranger ses petits trésors. J’ai mis également un porte gourde : l’indépendance démarre avec son propre approvisionnement en boisson…

Je suis parti pour ma part sur mon Salsa Fargo, avec un porte bagage avant et des sacoches de fourches Restrap, ainsi que des sacoches de selles, de cadres et toptube Apidura. Largement assez de place pour toutes nos affaires.

Affaires ?

Soyez spartiates ! A partir du moment où vous réalisez que vous trimballez ce que vous emportez, vous comprendrez que remettre un t-shirt à votre enfant, certes un peu sale, un deuxième jour ne pose, finalement, pas trop de problèmes (surtout quand ledit enfant est derrière vous).

De nombreux sites répertorient les affaires à prendre pour les voyages en bikepacking, seul ou en famille, je ne vais du coup pas revenir dessus (mais citerai l’excellente page de la marque Café du Cycliste à ce sujet). Je rajouterai juste que, en plus de vos vêtements, maillots de bains, appareil photo, matériel de réparation et autre, il peut être avisé de prendre quelques objets « bouche trous ».

Ennui…

Même si l’ennui est un apprentissage et qu’il est le moteur de plein de bonnes idées (en général), anticipez les moments creux/longs sur et en dehors du pédalage. Vous serez fatigués (si si !) après une journée en discontinu à jouer les bœufs de charrue, le loup et le guide interprète du patrimoine. Votre enfant par contre en aura encore sûrement sous le capot. Pardon, dans le pédalier.

Ma fille aime les livres à colorier : un livre et quelques stylos feutres ne pèseront pas bien lourd face à une crise d’ennui au restaurant, par exemple. Pour tromper ce même ennui à vélo, ma botte secrète est un haut-parleur audio sans fil. C’est mon joker. Je ne l’utilise que quand une montée tire en lenteur ou en fin de journée pour donner un peu d’entrain aux derniers kilomètres. Cela fait tâche dans la nature, d’accord, mais je préfère écouter Henri Dès que des pleurs de fatigue…

Offrez-lui une sonnette, voire deux ! Alors oui, cela peut paraître être un artefact du diable, car on s’expose à des acouphènes récurrents voir continu durant tout le voyage à force d’entendre le « drelin-drelin » de la sonnette de votre enfant. Oui MAIS ! Avec un peu de pédagogie et quelques haussements de tons parfois, il est tout-à-fait possible de faire comprendre la véritable utilité de cet objet magique (peut-être avec une histoire à la clé ?), notamment en enjoignant votre enfant à signaler votre arrivée auprès de piétons (il pourra s’en donner à cœur joie), comme cela vous arrivera immanquablement si vous suivez les routes balisées.

Ce fameux livre dont j’ai mentionné le nom plus haut regorge d’idées de jeux qui permettent de faire passer rapidement les moments longs, je ne vais pas le plagier ici. Si cela vous intéresse, procurez-vous cet ouvrage, vous ne le regretterez pas les francs investis.

Hairstyle

Aux heureux pères de filles aux cheveux longs (les mères me voient déjà venir), prévoyez de faire des nattes ou des tresses à vos princesses. Vraiment. Les cheveux s’emmêlent mille fois plus rapidement avec un casque sur la tête, ABE…

Habits

Au rayon des habits, sachez que Décathlon propose des cuissards enfants à très bon prix (attention, ça taille petit).

Le regard des autres

Autant vous avertir, le regard des autres usagers de la route (principalement de mobilité douce), changeront le regard à la vue de votre enfant avec vous. Le quotidien des routards, vttistes ou mêmes vélotafeurs que nous sommes, en sera changé : habitués aux noms d’oiseaux, quolibets et autres injures, vous deviendrez, l’espace de quelques jours, ce parent courageux qui emmène son gamin de par les routes à la découverte d’horizons inconnus. Et ils vous féliciteront pour ça (à juste titre). Ne le prenez pas mal, au contraire, affichez un sourire complice à votre enfant pour en rajouter une couche et profitez de tout ce que cet environnement, acquis à votre cause, peut vous offrir : qui une priorité (impensable seul sur mon vélo), qui un rire (pardon ?), ou encore une friandise pour votre enfant (au diable les caries). Profitez de chacune de ces oboles, aussi modestes soient-elles, car de retour sur votre petite reine personnelle, tout cela sonnera comme un doux rêve, qu’un klaxon nerveux aura tôt fait de dissoudre.

Faites vos expériences

Vous êtes un parent unique, avec un enfant unique. Il n’y a pas de recette universelle, nous avons tous nos forces et nos faiblesses, nos envies et nos craintes. Lancez-vous dans quelque chose qui est à votre portée dans un premier temps et agrandissez votre horizon au fur et à mesure que vous connaissez vos réactions et celles de votre enfant. Si vous n’avez jamais conduit avec un vélo suiveur, entraînez-vous sur des distances et des trajets habituels, avant de battre la campagne à pignon rompu ! Roulez quelques fois à bloc avec votre « setup » final pour prendre des sensations. Avec l’expérience, tout sera plus fluide et votre collaboration avec votre enfant sur votre « tandem » n’en sera que plus plaisante.

Notre voyage

En quelques mots, pour vous dire que tout s’est bien déroulé (cf photos), qu’elle a même accepté de faire 20km de plus le 2ème jour (à la condition d’un arrêt baignade dans le Sihlsee) et qu’elle se réjouit de repartir avec papa !

Dans une optique participative, n’hésitez pas à ajouter en commentaire ce qui fonctionne avec votre enfant, ce que vous conseillez comme trace ou si vous avez une question en particulier. Je ne suis pas expert, mais je tenterai d’y répondre.

J’espère que ce petit texte vous aura permis de dégrossir un peu la montagne que l’on se fait parfois de ce genre de projets et que les quelques tuyaux qui y sont écrits vous aideront à passer de bons moments avec votre enfant.

Photo de profil Etienne Jacquemet

Etienne Jacquemet

Etienne est un passionné. Il voit le vélo comme un outil sportif de découverte sans fin. Tous les chemins sont bons pour rallier son travail, partir en vacances ou se perdre dans la nature. D’un naturel bon-vivant, un bon plat ou une bonne bière sont également des excuses pour sortir sa bicyclette. La découverte récente du bikepacking et du gravel le replonge dans ses années de scoutisme, où l’aventure (souvent à vélo) était toujours au rendez-vous. C’est d’ailleurs cette dernière discipline qu’il vous propose de découvrir. Car créer de nouveaux itinéraires et jouer les défricheurs, c’est sa nouvelle marotte. Alors munissez-vous de vos pneus de 35 (minimum) et suivez ses traces, là où le vélo de route s’arrête…

Compte Instagram: @objectif2roues