Photos: Adrien Thuillard
Dans un premier article consacré à la vénération du cyclo-cross chez nos amis flamands, il y était question de la Kerstperiode. Lors de l’hiver 2024-25, j’ai eu la chance de la vivre sur place et auprès de deux athlètes professionnels : Gilles Mottiez, qui faisait sa dernière saison en tant que professionnel, et Matteo Oppizzi, coureur U23. Carnet de bord d’un pèlerinage de Noël en Terre Sainte … ou plutôt en Sainte Boue.
21.12.2024: Hulst – Moulin, étang et mur d’escalade
Première course du triptyque, Hulst (NED). Hulst, un parcours connu pour son moulin à vent surplombant la zone de départ, pour son mur où des prises d’escalade ne seraient pas de trop et pour ses descentes vertigineuses. Bref, une belle entrée en matière pour une première découverte de la boue du Nord.
Hulst restera donc le lieu où j’aurai appris ce qu’est réellement le cyclo-cross. À savoir un public de passionnés qui vient sur une course comme d’autres vont au musée. Non pas pour supporter, mais pour admirer et apprécier le beau geste. L’ambiance est saine et le fond sonore est fait du hardstyle émanant du chapiteau. Entre les deux barrières rouges, les watts énormes permettent au coureur de se faufiler entre les sillons creusés dans la boue. En-dehors, c’est entre les barquettes de frites et les bières que je slalome pour atteindre les divers points chauds du parcours.

J’ai beau regarder les courses et pratiquer à un très maigre niveau la discipline, voire des cyclistes piloter aussi finement leur machine dans de tels terrains impressionne. D’ailleurs, la foule ne s’y trompe pas. Quiconque s’aventure dans un passage hautement technique – du genre dévers à 45° emboué – sans poser pied à terre se voit acclamé. Un petit quelque chose de stade de football britannique lorsqu’un défenseur de Premier League fauche autant brusquement que correctement un attaquant adverse.
Pour cette première course, Matteo n’obtient pas le résultat espéré et ses sensations ne sont pas optimales. Quelques ajustements dans son entraînement permettront d’améliorer cela pour la suite du séjour. Pour Gilles, c’est une belle 26ème place surpassant ses résultats des années précédentes et ses espérances.
La fin de journée a un fil conducteur : la récupération. Pendant que nos deux sportifs se font masser par Jonas Magne, Manu Rudaz s’occupe de la mécanique tandis que j’enfile la toque de cuisinier. Dans une période si intense que la Kerstperiode, la régénération – tant musculaire que mentale – est la clef. Moins en fait l’athlète, mieux il se portera sur ses prochaines courses. Refaire constamment les stocks de glycogène, de protéines et d’hydratation est autant primordial qu’un sommeil régulier.

22.12.2024: Zonhoven – Dunes de sable, météo capricieuse et première apparition d’un arc-en-ciel
Zonhoven (BEL), c’est le sable. Et du sable sous forme de dunes. Cette année, Zonhoven c’est aussi le retour de l’ogre Mathieu Van der Poel. Un retour qui signifie aussi un cap des 80% (lire encadré) plus difficile à passer. Tuons directement tout suspens – comme MVDP sait si bien le faire après un tour et demi de course –, notre Gillou a terminé dans le même tour que le Batave à une solide 31e place.
Revenons maintenant plus en détails à cette folie douce qu’est Zonhoven. Zonhoven offre une sorte d’enceinte où peuvent se regrouper les spectateurs. Un gradin – ou un gouffre, c’est selon – naturel où l’ambiance grimpe au fur et à mesure de la journée. L’exaltation étant à son paroxysme lors des courses élites. Davantage encore lorsque 2-3 minutes après le départ, un certain Mathieu parti en 3ème ligne débouche en tête devant Toon Aerts. Là, les ola et les sirènes résonnent au milieu d’une foule passionnée.
Il est difficile de trouver des chiffres officiels, mais l’affluence doit être aux alentours de 15’000 à 20’000 spectateurs. Pour accueillir tout ce petit monde, tout est organisé à la perfection. Le spectacle est autant assuré par les athlètes que par les DJs des chapiteaux. Du moins, c’est ce que l’on m’a dit 😅 (#jamaisrigole #toujourstravail … ou l’inverse).
Manger, rouler, nettoyer, manger, dormir
Entre les deux courses du weekend et celle du jeudi, notre programme était monastique. Il faut toutefois avouer que ces deux premières Coupe du Monde étaient éreintantes et que le lundi fût une journée de repos nécessaire. Un poil rôti du weekend, une météo tout sauf Calpeèsque et le poêle du salon nous ont convaincus de la nécessité d’une journée de télé-travail.
Les deux jours suivants nous ont permis de découvrir les routes belges dans leur mode hiver. En onomatopée, cela donne la chose suivante : tadam-tadam-tadam, splouf, grii-grii-griiii. Oui, les plaques de béton tapent, les bas-côtés mouillent et les disques couinent. Deux heures de sortie et le vélo est plus sale qu’une journée de gravel à la même période par chez nous.

Paradoxalement, c’est plutôt agréable de rouler dans ces conditions. La météo est régulière (NDLR couverte et humide) et la température ressentie constante (NDLR froide). Habillé d’une tenue adéquate, ça en deviendrait presque plaisant. Qui plus est lorsque l’on est en compagnie de copains et sur des routes aussi célèbres. Le Kappelmuur n’est finalement pas si terrible et l’on comprend aisément comment Fabian Cancellara a lâché si facilement Tom Boonen dans sa seconde partie (@alain merci de masquer ce passage pour tous les internautes avec une IP belge).
Le repas de Noël du 25 décembre se veut sportif. Pâtes, poulet et riz au lait. Forcément, la Coupe du Monde reprend le lendemain. Et il ne s’agit pas de n’importe quel parcours …
26.12.2024: Gavere – #400joursdeboueparan et un équivalent belge de La Chuenisbärgli d’Adelboden
Gavere (BEL) a tout ce qu’il faut pour ne pas être emprunté à vélo. Une boue d’une viscosité sans égale – au point où un concurrent en a perdu sa chaussure ! –, un rec où la meilleure ligne nécessite de venir s’écraser dans un énorme matelas gonflant, et un parcours où un dévers à droite précède un dévers à gauche. Même le stand mécanique est mis à rude épreuve avec un changement de vélo à chaque demi-tour.

Gavere, c’est aussi une course où les hommes élites et les hommes U23 courent ensemble. Corollaire de cela, le 80% est calculé sur le premier toute catégorie et donc plus compliqué pour les U23 de voir la ligne d’arrivée.
Enfin, Gavere, c’est une course où il faut être à 100%. Une course où il n’est pas possible de se cacher. Malheureusement pour Gilles, il était souffrant la veille et à passer la journée au lit. Affaibli par un virus et une journée où il lui était difficile d’avaler quelque chose, être au départ était déjà un exploit. Tout l’opposé de Matteo qui espérait voir les premiers effets des changements apportés après Hulst.
Comme pressenti, la présence de l’Ogre pèse sur le chrono et nos deux Romands sont sortis à deux tours de la fin. Gilles est toutefois heureux d’avoir pu prendre part à cette manche qu’il apprécie tant. C’est par quelques wheelies qu’il aura ponctué son dernier tour de piste de Gavere.
De retour à notre auberge, c’est le début de la nostalgie qui nous imprègne. Il est temps de ranger les dernières affaires et de préparer le dernier souper. Le lendemain, c’est un long voyage jusqu’en Suisse qui se profile.
Ressenti personnel
Cela fait plusieurs années que je regarde le cyclo-cross à l’écran. Traditionnellement, je le fais depuis le home-trainer. Vivre ces courses sur place à surpasser mes attentes. Au-delà de l’aspect compétitif, c’est une ambiance que seule la partie flamande – et néerlandaise pour Hulst – sait offrir ; un peuple autant passionné que connaisseur.
Je ne peux qu’inviter quiconque qui apprécie le cyclisme à se rendre sur place. Y passer une semaine, c’est aussi la possibilité de rouler sur des routes mythiques. De vivre à la Belge et de subir d’apprécier le temps qui va avec. De rencontrer des personnes avec un régime alimentaire varié (i.e. bières, frites et sauces Pauwels), d’être bercé à la musique locale et de passer un magnifique séjour avec des amis.
Tibor del Grosso – Le futur crac’
Chez cycliste.ch, on ne cherche pas le buzz ou à dénicher la future pépite. On est des passionnés. Or, comment ne pas être subjugué par le talentueux Tibor del Grosso. Le coureur néerlandais de 22 ans paraît toujours facile. Son coup de pédale ressemble à celui d’un cyclo du dimanche. Que ce soit lors des épreuves U23 ou lors des courses mêlant U23 et élite, l’ami Tibor fait passer un sale quart d’heure – ou plutôt quatre ! – à ses adversaires. Au-delà de la performance sportive, c’est aussi l’état d’esprit relâché qui fait plaisir à voir. À lancer quelques whips ci et là.

Le jeune homme est bien entouré dans l’écurie n°1 des Frères Roodhooft et fera les beaux-jours de l’Alpecin Deceuninck sur route dans les années à venir, voire avant. Un gabarit semblable à MVDP et qu’il saura exploiter à merveilles sur les courses flandriennes de début de saison. À suivre !

Il ne reste plus qu’à espérer que Tibor ait l’opportunité et l’envie de passer une partie de ses hivers dans les labourés.
La règle des 80%
Le cyclo-cross se déroulant sur circuit relativement court, la règle des 80% sert à sortir de la course tout concurrent étant plus lent que le 80% du temps du coureur de tête. Dit autrement, si un coureur met 10 minutes pour faire un tour, seront éliminés tous les coureurs passant la zone des 80% – à quelques dizaines de mètres de la ligne d’arrivée – à partir de la 12e minute. L’on comprend de suite qu’une course avec Mathieu Van der Poel ou Wout Van Aert a un impact direct sur l’arrière du peloton.
Adrien Thuillard
Neuchâtelois dans le cœur autant que dans l’accent, Adrien sillonne les routes asphaltées et les chemins caillouteux à longueur d’année. Pas du tout axé compétition, il optera plutôt pour une sortie mêlant harmonieusement rigolades, routes paisibles, paysages bucoliques et – surtout – chèvres, ânes, moutons et compagnie ! Ne vous étonnez donc pas de rencontrer beaucoup de bêtes à poil en parcourant ses itinéraires.
Il saura vous persuader que la région Jura 3 Lacs regorge de tracés valant le détour, de succulents produits du terroir et, parfois, de fontaines « féeriques » … N’hésitez pas à lui faire signe sur Instagram lors de votre passage dans les environs ; il se fera un plaisir de vous conseiller, voire de vous accompagner pour un bout de balade.





