Récemment, c’est un mandat pas comme les autres qui m’a été donné : reconnaître la partie italienne de la GRAAALPS, course reliant Mandelieu-la-Napoule à Crans-Montana que cycliste.ch a déjà évoquée. En résumé, un parcours de 750km pour 18’000m de dénivelé dans une optique “gravel roulant”.
Avec Nathalie, Fabien, Casimir et Steve Morabito, nous avions déjà eu l’opportunité de collaborer avec l’équipe de la Race Across Series pour dessiner la partie suisse de la GRAAALPS ainsi que les parcours Weekend Gravel autour de Crans-Montana. Cette fois, c’est seul – mes petits copains étant occupés – que je devais monter une équipe pour explorer le tracé imaginé par Arnaud Manzanini. Blessé au poignet, c’était un crève-cœur pour Arnaud de ne pas pouvoir faire lui-même ce travail de reconnaissance qu’il aime tant.
La constitution de l’équipe, attardons-nous un moment là-dessus. Après plusieurs téléphone, les agendas de nombre de mes contacts était rempli ou encore orienté sport d’hiver, voire sport divers. Un soir, j’écris à Thierry Favre pour savoir si un de ses collègues de Ride Switzerland ou du dynamique Illiez Bike Club serait intéressé par le projet. 5 minutes plus tard, notification WhatsApp. Un certain Johann Tâche me dit être au taquet.
Un téléphone et le deal est conclu. Cerise sur le gâteau, son papa Christian nous accompagnera en voiture et, parfois, en e-bike. Que demande le peuple ? Un gravel peut-être … car oui, Johann est encore à la recherche de la perle rare. C’est là qu’intervient alors un de mes vélocistes préférés, Version Original Cycles. Raoul, l’un des patrons, a la pépite que cherchait Johann. Deux cyclistes, un chauffeur, trois vélos, nous voilà paré au départ.
Le but de cette reco’ est de valider le parcours entre Cuneo – lieu de la première base de vie – et Aoste. Une première partie alpine mène jusqu’à Turin – seconde base de vie – sur quelques 180km et 4’500m de dénivelé positif. La lecture de komoot laisse entrevoir quelques passages trop engagés par rapport à la philosophie de l’épreuve. Notre job, vérifier cela en vrai et trouver des alternatives … et s’assurer que tous les ponts existent bel et bien. On connaît tous le côté parfois aventurier de Komoot.
Jour 1 : Cuneo – Melle – 🤩
Après un trajet matinal jusqu’à notre point de départ de Cuneo, nous donnons nos premiers coups de pédale à travers la charmante ville piémontaise en direction de la plaine avec, à quelques kilomètres de là, les premiers contreforts des Alpes. Rapidement, une bosse arrive.
Ce n’est pas une grosse difficulté – environ 200m de D+ –, mais le chemin sélectionné sur komoot ne passe définitivement pas en gravel ; trop raide, trop cassant et certainement trop dangereux car il s’agit de la descente d’un itinéraire enduro. Dommage, hormis ce petit kilomètre, le reste est absolument magnifique. Safety first, une alternative sera proposée aux organisateurs et l’on peut continuer sur la trace.
Arrivé au pied de la première véritable montée transalpine, nous traversons San Damiano Macra. Un village de ce que l’Italie a de plus typique à nous proposer avec son marché couvert, son centre des plus vivants bien que désertique et plusieurs commerces qui sauront ravitailler les participants avant une ascension de 14km pour 1’000m de dénivelé positif. De hameau en hameau, la route se fait de plus en plus pentue. Bonne nouvelle, il semblerait que la beauté du paysage soit corrélée avec l’effort nécessaire pour se hisser au sommet. De là-haut, la vue est à couper le souffle et un long plateau permet de redonner de la vélocité à notre pédalage.
Car oui, initialement, il était question de tirer “droit dans la pente”. Le single est déjà très (trop) engagé pour un passage en journée avec des vélos que légèrement chargés et des cyclistes relativement frais. De nuit, ce serait tout simplement impossible. D’où l’importance d’avoir anticipé un plan B. Plan B validé à notre arrivée à Melle et la fin de notre première journée.
Jour 2 : Sampeyre – Turin – 🤩²
La veille, le spectacle fut grandiose. À ce moment-là, l’on ne savait pas encore que ce deuxième jour allait se révéler encore plus prolifique en termes de paysages. De Sampeyre au Colle Del Preit, nous avons droit à un échauffement matinal entre les hameaux offrant à chaque fois un point d’eau bienvenu en cas de fortes chaleurs. Les fortes chaleurs attendront ; pour l’heure, l’on entend encore parfois un craquement lorsque nous traversons les flaques d’eau … ou, devrais-je dire, de glace. Là aussi, la fin de la montée se fait sur un plateau en et, une fois encore, le spectacle est à 10 sur 10 sur l’échelle du Whaouuu !
Au col, la descente se fait en première partie sur un chemin 4×4 à travers quelques restes de neige. Arrivé sur un vaste replat, komoot nous dit d’emprunter un single s’engouffrant dans la forêt et à nouveau en-dehors du cadre sécuritaire souhaité par les organisateurs. Rebelote, l’on sort à nouveau le plan B. Là, laissons parler les images …
Autant te dire que l’on était content du changement de programme. Un panorama pareil vaut amplement les 3-4 kilomètres ajoutés au parcours*.
De retour en plaine, il est temps de faire une pause-café dans la bourgade de Paesena. Là, mon coéquipier d’aventure Johann improvise une recette digne du cyclo au long-court qu’il est avec ses deux ans de traversée des Amériques : le caffè polpo. Oui oui, un rien nous contente.
La dernière montée du jour nous offre une partie de cache-cache avec le Monviso, montagne ressemblant encore plus à un Toblerone que notre Cervin ! Là encore, rien d’asphyxiant. Enfin, à condition d’avoir le juste développement. Au sommet, une courte descente nous fait constater que … ce n’était en fait pas le sommet (😅). Un joli river crossing permet de se rafraîchir les pieds et la fin de l’ascension est, cette fois, rude. Les 100-150 mètres passés à marcher ont permis de préserver les articulations et d’étirer des muscles en voie d’être fatigués.
La bascule passée, c’est une belle descente sur un asphalte récent qui nous tend les bras. Une route tellement récente que l’on suspecte un récent passage du Giro d’Italia (ndlr étape 12 du Giro 2019). Les épingles s’enchaînent jusqu’au retour dans la plaine. À ce moment, l’on établit le but du soir : rejoindre Nichelino, en banlieue de Turin.
Le vent de face balaie sur notre passage la poussière laissée par la chaleur. L’on traverse quelques villages célébrant le dimanche que nous vivons comme il se doit. Coupant à travers champs, c’est une succession de pistes gravel entrecoupées d’une autoroute cyclable construite sur ce qui devait être une ancienne voie de chemins de fer.
Durant l’épreuve, les participants devront bien calculer leur coup s’ils veulent rejoindre les deux bases de vie d’une traite. En partant au petit matin de la base de vie de Cuneo, il devrait être possible pour tous d’atteindre la seconde base de Turin. Au besoin, cette partie du parcours regorge d’abris pour une micro-sieste ou un bivy d’urgence.
Jour 3 : Turin – Saint-Vincent 🐸 ☔
Connais-tu ce doux réveil au son du ploc-ploc-ploc … Ce réveil où tu espérais que la météo italienne allait être aussi approximative qu’un membre de guggenmusik. Ce réveil où tu sais que tu vas passer la journée entière sous la pluie. Ahhhh, toujours un sentiment génial (sarcasme).
Là, je tire mon chapeau à Christian, notre chauffeur, qui nous accompagne à vélo pour la traversée de Turin dans un matin froid et humide. Autant te dire que, à choisir, j’aurai grandement opté pour l’option grasse-matinée et siège-chauffant.
Sur komoot, la traversée de Turin semble se faire entièrement sur un chemin gravel longeant le Pô. Dans la réalité, la traversée de Turin se fait entièrement sur un chemin gravel longeant le Pô. Joie ! À travers la grisaille, l’on distingue les monuments et ponts enjambant le fleuve. À la hauteur de la stèle Fausto Coppi, nous faisons un crochet par le motodrome du même nom, lieu de la seconde base de vie. Quelques échanges avec les responsables du lieu et zou’, retour sous le crachin italien en direction de la vallée d’Aoste.
Jusqu’à Ivrea, les chemins ne nous font pas croiser beaucoup de civilisations. L’on passe d’un champ à l’autre, traversons quelques villages ou forêts et arrivons finalement assez rapidement au bout de cette longue plaine. Johann et moi avons le même sentiment : dans la chaleur de juillet et avec un léger vent de face, la “chasse à la canette” sera rude. Il n’y a pas beaucoup de points d’eau et nul doute que la poussière d’un temps sec viendra assoiffer une bouche déjà en recherche d’oxygène.
Notre conseil aux participants: chercher des points d’eau (fontaines, cimetières, shops) en amont de l’épreuve et notez-les sur votre compteur GPS. Une fois engouffré dans la Vallée d’Aoste, les ravitaillements en eau et en nourritures sont plus aisés. Certainement encore davantage en saison haute.
Pour notre part et après 6 heures de pluie, c’est le Bar Statuto qui nous a redonné un semblant de chaleur. L’expérience me laisse penser que la meilleur-piadina-de-ma-vie que j’ai mangé aurait été une simple piadina dans d’autres temps. Je laisserai Nathalie nous donner un second avis gustatif sur cette piadina lors de son passage en juillet.
Durant la pause, il a été convenu que la fin de journée se ferait à Bard, au pied du Fort. Les derniers kilomètres sont un début de nostalgie. Nostalgie d’une aventure passée avec deux personnes formidables que je ne connaissais absolument pas une semaine auparavant. Nostalgie des paysages grandioses que seuls les contreforts des Alpes peuvent nous offrir. Nostalgie de la journée de pluie … non, pas de nostalgie pour cela, mais à coup sûr LA journée Type 2 fun par excellence.
Bref, un mandat différent réalisé depuis un bureau à deux-roues et avec un toit percé le dernier jour. Somme toute une belle aventure qui aura permis d’améliorer et de sécuriser cette partie du parcours pour les participants de la GRAAALPS.
Si tu souhaites découvrir ce parcours, n’hésite pas à faire un tour sur le site graaalps.com. La bonne nouvelle est qu’il existe également des formats courts de 25km à 90km qui te seront proposés (gratuits, sur inscription). Challengeants sans être trop techniques, ces parcours permettront à chacun de trouver chaussure à son pied !
*En espérant que Nathalie valide cela durant son passage en course.
Adrien Thuillard
Neuchâtelois dans le cœur autant que dans l’accent, Adrien sillonne les routes asphaltées et les chemins caillouteux à longueur d’année. Pas du tout axé compétition, il optera plutôt pour une sortie mêlant harmonieusement rigolades, routes paisibles, paysages bucoliques et – surtout – chèvres, ânes, moutons et compagnie ! Ne vous étonnez donc pas de rencontrer beaucoup de bêtes à poil en parcourant ses itinéraires.
Il saura vous persuader que la région Jura 3 Lacs regorge de tracés valant le détour, de succulents produits du terroir et, parfois, de fontaines « féeriques » … N’hésitez pas à lui faire signe sur Instagram lors de votre passage dans les environs ; il se fera un plaisir de vous conseiller, voire de vous accompagner pour un bout de balade.