Un camp d’entraînement pour rien sur la Côte d’Azur

Photos: A Swiss With A Pulse

“Salut, nous aimons bien ce que tu fais. Nous te réserverons l’Airbnb de ton choix et tout ce que tu auras à faire, c’est de rouler à vélo et de partager ton expérience. Deal ?”

Voilà le message que j’ai reçu alors que l’automne s’installait chez nous.

“Euh… bien sûr” ai-je répondu. “Laissez-moi juste réfléchir un instant et je vous dirai où j’aimerais aller”. Devant cette aubaine inattendue, les idées se bousculaient dans ma tête car il y a tant d’endroits qui n’attendent qu’une bonne excuse pour que je les explore.

Cependant, j’ai vite réalisé que cette aubaine était en fait un challenge. En effet, la saison touchait à sa fin et les grands cols étaient déjà fermés, ce qui excluait bon nombre de destinations sur la liste sans fin que je conserve dans un coin de ma tête. Et ma motivation à rouler diminuait aussi vite que les heures d’ensoleillement à cette époque de l’année.

Où aller et que faire? C’est alors que je me suis souvenu d’une formule magique que j’ai découverte il y a une bonne dizaine d’années avec mon pote Dan. Nous étions tous les deux grillés à la fin de l’été. Il avait passé des mois à rouler et courir dans les Alpes pour son métier de photographe. Quant à moi, j’étais encore dans le monde du business et j’avais besoin d’un break pour une raison bien différente: je rentrais de Chine où j’avais supervisé l’organisation d’une course WorldTour au coeur de Pékin (si vous pensez qu’un truc pareil n’a jamais existé, l’internet conserve quelques traces de cette folie).

Il ne s'agit pas d'un mauvais trip d'IA, c'est vraiment arrivé.

J’avais un grand besoin de reposer mes sens surchargés, loin de la viande au clenbuterol, des menaces de boycott, de la pollution urbaine – et sans concombre de mer dans mon assiette.

Avec Dan et sa femme Janine, nous étions alors parti en Toscane au beau milieu du mois de novembre. Pendant une semaine, nous avions roulé, mangé et refait le monde dans un endroit magnifique – juste pour le plaisir, avant d’entrer en hibernation cycliste. Nous avions appelé cela notre “camp d’entraînement pour rien”.

J’étais revenu reposé, prêt à affronter l’hiver. La recette avait si bien fonctionné que je l’ai répétée plusieurs fois depuis, avec le même succès. Donc, c’était décidé: j’allais me faire un camp d’entraînement pour rien, quelque part au sud. Mais où? 

Après quelques heures à rêver devant les cartes, je me suis souvenu que mon ami Mike Cotty, l’homme derrière The Col Collective, vit dans la région de Nice. Nous nous étions retrouvés durant l’été pour faire du bikepacking en Valais et préparer de futures aventures.

C’est alors devenu une évidence: j’irais m’entraîner pour rien avec Mike en profitant des températures clémentes de la Côte d’Azur. Nous étions alors début novembre et l’hiver s’était déjà installé chez moi en Suisse, ce qui rendait cette idée encore plus attractive.

J’ai décidé de chercher un Airbnb dans le village de Vence, après avoir reçu ce conseil de Mike: “C’est dans l’arrière-pays et il est donc beaucoup plus facile de partir rouler que depuis Nice, mais il y a quand même une vraie ville avec des restaurants et des magasins. En plus, le centre est une vieille ville médiévale qui a du caractère.”

En quelques clics, j’ai trouvé un appartement d’une pièce dans une zone résidentielle calme, avec une place de parc: bingo. Il ne me restait plus qu’à faire mes bagages et à prendre la route. Je suis passé par l’Italie, pour éviter le trafic dans la vallée du Rhône – et boire de bons espressi dans les Autogrill. Pour cela, j’ai dû franchir le tunnel du Grand Saint-Bernard, où la neige s’était déjà installée. Une fois dans la descente vers Aoste, la température a commencé à grimper: à moi le sud!

Photo prise à l'arrêt, je précise 😉

Quelques heures plus tard, je suis arrivé à Vence et je me suis installé dans mon Airbnb, qui s’est révélé être juste comme sur les photos. Un petit appartement cozy fraîchement rénové dans un quartier calme, avec tout ce qu’il me fallait pour un parfait camp d’entraînement pour rien.

Je suis allé faire mes courses dans l’épicerie du coin avant de me préparer un somptueux repas: spaghetti aux anchois, salade de tomates et mozzarella et un bon verre (ou deux?) de Côtes du Rhône… le dîner des champions!

La quintessence de la nutrition sportive

Il n’en fallait pas moins pour me préparer à mon premier jour sur le vélo. Au centre de Vence, j’ai retrouvé Mike et son amie Diana, qui organise des voyages à vélo personnalisés sur la Riviera française avec sa société Azur Vélo.

La matinée était fraîche mais j’étais en cuissard court, quel luxe à cette époque de l’année! Nous nous sommes élancés et après quelques kilomètres, nous étions déjà seuls ou presque dans l’arrière-pays niçois. Nous avons roulé plus de 60km dans les collines parsemées de paisibles villages provençaux typiques: Bouyon, Roquestéron, Gillette…

En arrivant à Gillette

Après une belle descente et quelques kilomètres sur la piste cyclable le long du Var, nous sommes remontés en direction de Vence. L’heure avançait et nous étions à l’ombre depuis un moment mais Mike m’a assuré que nous avions encore juste le temps de faire un aller-retour au col de Vence avant le coucher du soleil.

Il n’en fallait pas plus pour convaincre ma tête, mais j’ai dû négocier ferme avec mes jambes pour qu’elles lâchent les watts nécessaires à cette opération commando. Qui a bien failli échouer: au fur et à mesure que nous montions, l’ombre remplaçait la lumière sur les pentes qui nous surplombaient (ce qui est d’une logique cruelle mais implacable lorsque le soleil se couche). 

Heureusement, à un peu plus d’un kilomètre du sommet de ce col classique de la région niçoise, un virage à gauche nous a soudain ramené en plein soleil. Il était temps car il était tout près de l’horizon. Vite, quelques photos!

Ouf, juste à temps

A peine arrivés au col situé à 963m, il a fallu redescendre car la nuit tombait. Mission accomplie…

Pour notre deuxième sortie en commun, j’ai demandé à Mike et Diana s’il était possible de gravir une autre belle montée dans la région. Bonette et Turini étaient trop loin – et trop hauts à cette époque de l’année. Nous aurions dû affronter le trafic pour rejoindre le pied du fameux col de la Madone. Finalement, ils sont venus avec sa cousine: la Madone d’Utelle. “La route sera déserte à cette époque de l’année et les vues sont magnifiques” m’ont-ils assuré. Deal!

Je suis donc parti avec Mike (Diana allait nous rejoindre en cours de route) et les 30 premiers kilomètres ont défilé à toute vitesse. Le fond de l’air était frais mais le soleil brillait et une autre journée magnifique s’annonçait.

A Plan-du-Var, nous avons bifurqué à droite pour entrer dans les gorges de la Vésubie. “C’est une très belle route en été, on est à l’ombre et il y fait frais grâce à la rivière” m’a lancé Mike. Début novembre, on se croirait dans la nuit polaire. Ces 10 kilomètres à l’ombre de falaises vertigineuses m’ont paru interminables et je ne sentais plus mes mains quand nous sommes – enfin – arrivés à Saint-Jean-la-Rivière, au pied de la montée de la journée.

Enfin de quoi nous réchauffer!

Heureusement, nous n’avons pas subi cette cryothérapie pour rien. Longue de 15km, l’ascension est superbe. On chemine tout d’abord parmi les oliviers vers le village d’Utelle, situé aux deux tiers de la montée. Puis les derniers kilomètres, sur une route étroite, permettent d’admirer au loin le massif du Mercantour, avec ses sommets enneigés. 

Novembre sur la Côte d'Azur

Au sommet situé à 1174m, la vue est panoramique. La légende veut que, vers l’an 850, des marins espagnols pris dans une violente tempête se mirent à implorer le Vierge Marie. Ils auraient alors aperçu une lumière surnaturelle sur une montagne, qui leur permit de rejoindre la côte. Un oratoire fut édifié sur cette montagne pour commémorer le miracle.

Le sanctuaire de la Madone d'Utelle

Plus près de nous, la 6ème étape de Paris-Nice 2016 s’acheva à la Madone d’Utelle. Ce n’est pas la Vierge Marie mais bien le fantasque Russe Ilnur Zakarine qui s’imposa, devant un petit groupe composé notamment d’Alberto Contador, Richie Porte et Geraint Thomas.

Au retour, nous sommes remontés sur l’autre flanc des gorges de la Vésubie, histoire de ne pas repasser par la case “congélateur”. Une magnifique route qui nous a menés à travers plusieurs villages avant une descente sinueuse dans la lumière du soleil couchant vers la basse vallée du Var. Une dernière petite montée et nous étions de retour à Vence.

Retour par les hauteurs

126km et 2100m de D+: une belle et grosse journée avec mes jambes de novembre. J’étais cuit et un burger arrosé d’une bière locale dans le bistro du coin de la rue ont parfaitement contribué à ma récup’.

Quand ton Garmin est en mode "nuit" lorsque tu enregistres ta sortie, c'est que tu as passé une bonne journée

Le ciel était sombre lorsque je me suis levé le lendemain, et les prévisions météo n’étaient pas terribles: la pluie arrivait. Tant pis, j’allais rouler seul pour cette dernière journée et ce serait l’occasion d’explorer une autre facette de la région; Mike m’avait concocté une boucle plus courte en direction du bord  de mer.

Quand faut y aller, faut y aller

Je pensais rencontrer plus de trafic dans cette zone davantage urbanisée mais il n’en fut rien. Une belle descente le long d’une rivière m’a conduit à Cagnes-sur-Mer, station balnéaire submergée par le tourisme de masse en été mais déserte à cette époque.

BATS (Bike Against The Sea)

Le temps de prendre quelques photos de mon vélo en bord de mer et je reprenais la route sous une pluie qui s’intensifiait. Dans ces conditions, l’itinéraire du retour fut parfait: quelques courts raidards pour me réchauffer, des routes tranquilles dans des zones résidentielles… De retour à l’appartement sous ce qui était devenu des trombes d’eau, j’étais heureux – et fier – d’avoir quand même roulé ce jour-là.

Un temps à ne pas mettre un cycliste dehors

L’après-midi fut consacré à un peu de travail sur mon écran pour pouvoir prétendre que j’étais en workation et à quelques exercices de stabilité et de mobilité pour entretenir ma carcasse de quinqua. Après un repas en tête à tête avec moi-même à l’appart et une dernière nuit sur la Côte d’Azur, j’étais sur la route du retour – et de l’hiver.

Ça s'appelle faire le pont, un exercice très populaire en France

Au bilan: un excellent camp d’entraînement pour rien dans une région magnifique pour le vélo. Il y a de belles routes sur des terrains variés autour de Vence, un joli village idéalement situé au pied des montagnes. Et la formule Airbnb s’est révélée idéale: j’ai pu choisir précisément où je voulais séjourner et l’appartement avait tout le confort nécessaire, avec un sentiment d’être à la maison bien agréable.

Comment dit-on workation en français? Travacances?

Merci à l’agence Farner et à Airbnb de m’avoir donné cette opportunité. N’hésitez pas à me recontacter 😉 Et un grand merci aussi à Julie, qui m’a hébergé dans son appartement que je ne peux que recommander. Je regrette juste de ne pas avoir profité de la piscine car j’y étais hors saison.

JO de Paris obligent, le Tour de France se terminera à Nice en 2024. Diana et Mike ont créé un programme “ride & watch” pour profiter de cet événement unique. Allez jeter un oeil sur leur site, ils sauront vous faire vivre une expérience inoubliable.

Diana et Mike, mes guides de luxe sur la Côte d'Azur

Voici la collection komoot avec mes 3 sorties:

Alain Rumpf

Alain Rumpf

Cycliste passionné depuis plus de 35 ans, Alain Rumpf est bien connu sur les réseaux sociaux grâce à son compte « A Swiss with a Pulse » qui compte plus de 13’000 followers.

Dans une précédente vie, il a été coureur cycliste Elite et a travaillé 20 ans pour l’Union Cycliste Internationale. En 2014, il décide de quitter le confort d’un bureau pour devenir guide, photographe, rédacteur et consultant. Il collabore avec Suisse Tourisme, Haute Route, Scott, Apidura, Alpes Vaudoises, komoot, Vélo Magazine, le Tour des Stations et bien d’autres. Il dirige le site Switchback, un guide du vélo de route et du gravel dans les Alpes et au-delà. Découvrez ses projets sur son site www.aswisswithapulse.com et tous ses articles sur cycliste.ch.