Le lion et la gazelle

Le lion et la gazelle

Il était une fois une gazelle qui voulait faire la course avec le lion.
On l’avait pourtant mise en garde qu’elle risquait fort de se faire dévorer.
Qu’à cela ne tienne, elle voulait en faire l’expérience.

« Il ne faut jamais laisser la gazelle prendre ses aises, disait le lion. Il faut montrer d’entrée qui rugit le plus fort ! »

Engloutie d’une traite ou dégustée morceau par morceau, grillée ou mijotée, en civet ou à la plancha, le pauvre bovidé s’est fait manger à toutes les sauces.
Je vous épargne les scènes de carnage, de peur de heurter certaines sensibilités.
A découvrir lors d’un prochain récit d’horreur, destiné à un public averti.

Malgré tout, la gazelle avait confiance qu’à traquer le moindre bout de viande à grignoter, le lion finirait bien par tomber sur un os.
Elle retint de ses mésaventures qu’elle ne pouvait pas rivaliser avec la puissance du lion.
Elle n’allait pouvoir compter que sur sa malice.

Le pouvoir de l’intox

Le lion et la gazelle partent en excursion.
La gazelle, comme d’habitude, fait de son mieux pour tenir l’allure du félin.
La pauvre, avec son 50-11, ressemble plus à un hamster qui tournicote dans sa roue qu’à une véritable adversaire pour le roi de la savane.

Enfin la courbe se redresse. Le petit plateau s’impose.
C’est alors que la gazelle se souvient d’un enseignement : c’est lorsqu’on est au plus mal qu’il faut imposer le rythme, de manière à dissuader de toute tentative de mise en échec.
Elle décide donc de mettre le précepte à exécution.
Du silence presque total qui règne alentours jaillit ce petit bruit si familier. Reconnaissable entre mille.
Capable à lui seul de transformer un lion en chaton. Un grizzli en nounours. Un requin en poisson rouge : le bruit de la chaîne de ton adversaire qui passe sur la grosse plaque !
Et quand de surcroît la bouche du malheureux est obstruée par une barre, il ne reste à la gazelle qu’à donner un petit coup de pédale pour mettre définitivement le félin hors d’état de nuire.
Manger ou rugir il faut choisir !

Les lions détestent les arrêts

Dans l’approche d’un col, un long faux plat montant, la gazelle, dans la roue du lion qui ne se doute de rien, réfléchit à un nouveau stratagème.
Le lion est un meneur. Il n’a pas le sens de l’adaptation.
Ainsi, en cassant ce rythme qu’il impose et dans lequel il est à son aise, la gazelle peut espérer créer la surprise.
Une seule manière de le vérifier.
La buvette sur le côté droit est une aubaine.

La gazelle en profite pour commander un snack, préparé à la minute bien sûr.
Difficile à mâcher de préférence, afin de prolonger la halte sans éveiller les soupçons du lion.
Quinze bonnes minutes se sont écoulées. Ce devrait être suffisant.
Voilà les deux compères qui reprennent la route.
Mais pas de la même manière qu’ils sont arrivés : la gazelle, repue par son ravitaillement salvateur, passe en tête et donne le ton. Au grand dam du lion, peu habitué à contempler le postérieur de sa rivale.
L’échine recourbée et la crinière aplatie, il suit le bovidé au prix de coûteux efforts.
Avant de s’incliner au sprint final.
Le mental est resté à la buvette. Les jambes aussi. Il ne faut pas chatouiller la gazelle !

Parfois, quand la seule force de la volonté et la malice ne suffisent plus, l’invocation des Esprits de la Savane peut se montrer redoutablement efficace.

Une crevaison divine

Ou plutôt deux.
La première permet d’apporter le second souffle parfois nécessaire.
Mais le véritable coup de maître se produit lors de la deuxième crevaison.
Lorsque le lion a déjà utilisé sa seule chambre à air de réserve, et sa seule cartouche de CO2.
Le pauvre chaton doit appeler la gazelle à la rescousse pour lui fournir le nécessaire de réparation.
Le transfert de poids peut alors commencer : le lion s’alourdit à mesure que s’allège la gazelle.
2 tubolitos remplacés par 2 chambres à air en caoutchouc, c’est plus de poids et surtout plus de friction.

Reposée, légère, la gazelle n’a plus qu’à attendre le signal fatidique qui annonce sa vengeance aussi tranchante que soudaine. Et la mise en échec du Roi Lion : le moment précis où la main droite de ce dernier se pose sur sa gourde ou dans la poche arrière droite de son maillot.
Collé au bitume par l’effet de surprise, le lion, pour une fois, se contentera de miauler. Miaou.

Une gazelle qui n’a plus que la peau sur les os à force de se faire dévorer, un lion qui finit par miauler…
Voilà qui laisse nos deux compères méditatifs.
Et si, au lieu d’être adversaires, ils devenaient partenaires ? Et si chacun aidait l’autre à donner le meilleur de lui-même ?

En accélérant le rythme progressivement, le lion peut jouer plus longtemps avec la gazelle. Un peu comme un chat joue avec une souris avant de la dévorer. Lui laissant croire qu’elle a une chance de s’échapper.

À la fin le lion gagne toujours.
Mais de cette manière la gazelle a donné le meilleur d’elle-même, poussée dans ses derniers retranchements.
Quant au lion, il gagne une partenaire de jeu qui ne renonce pas devant l’échec inéluctable.

Et qui sait, si une chenille devient papillon, qui dit qu’un jour la gazelle ne deviendra pas lionne ?

Anaëlle Racine

Anaëlle s’est découvert sa véritable passion pour le vélo de route à 32 ans, en relevant le défi de participer à la Gruyère Cycling Tour contre un abonnement de ski. N’ayant pas de vélo, c’est son frère qui lui a prêté le sien pour commencer à s’entraîner. 3 semaines plus tard, elle achetait son premier vélo, et la grande histoire d’amour a commencé.
Installée en Valais Central, c’est sur Fribourg, avec le club ACC Corminboeuf dont elle fait partie, qu’elle a appris à rouler. Elle aime quand chacun participe à la réussite du groupe, apportant son énergie, sa contribution et sa sueur à chaque relais, assurant la sécurité de ses coéquipiers. Sa devise sur le vélo : souffrir avec le sourire.
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