L’habit ne fait pas le moine

L’habit ne fait pas le moine, dit-on. Enfin… parfois si.

Car quand tu vois arriver le gars hyper affûté, dont pas un gramme de poids corporel n’est laissé au hasard, tu sais qu’il ne s’est pas sculpté cette machine à KOM vautré sur son canapé. Tu sens d’entrée que ça va faire mal !

Comme le jour où j’ai été tirée au sort avec deux autres participants pour nous affronter sur le mur d’Hérémence.
Le premier prix était 2 nuits en hôtel 4**** en demi-pension, offert par Rhône FM et le Tour des Stations. Que j’aurais rêvé d’offrir à mes parents.

Sur un malentendu ça pourrait marcher, m’étais-je dit. On ne sait jamais, si par chance mes « adversaires » étaient des cyclistes du dimanche, ou inscrits au parcours e-fondo…

Mais ça c’était avant que la désillusion n’arrive, en chair et en os, dans sa tenue noire ultra moulante, et dont l’allure de pro ne laisse aucun doute possible : les nuits d’hôtel sont déjà réservées. Mais pas au nom de mes parents. 6 minutes d’agonie plus tard, le verdict est formel : il n’est pas inscrit à l’e-fondo !

Mais il arrive aussi que ce soient ceux que l’on imagine le moins qui nous épatent le plus.

À l’instar de Poils aux Pattes.

Un ami le salue avant le départ d’un critérium, avant de me raconter son parcours et ses exploits. J’ai beau observer attentivement le personnage, je ne peux m’empêcher de me demander si on parle bien du même. Jambes poilues, carrure de footballeur plus que de cycliste, maillot épais mal ajusté, on ne peut pas dire qu’il en jette comme mon briseur de rêve.

Ils sont une quarantaine sur la ligne de départ. Dont la moitié de licenciés. Lui est plutôt mal placé, en queue de peloton. Le départ est donné et ça part à bloc. De vrais fauves libérés de leurs cages. À l’issue du premier tour de 700m, constitué de virages techniques, de relances et d’un mur avant la longue ligne droite, il est déjà dans les 5 premiers. Position qu’il défendra avec brio jusqu’à la ligne d’arrivée, rivalisant avec les meilleurs élites aux allures de chevaux de course.

« Poils aux pattes, moins 10 watts », dit-on.

Je m’interroge : si l’on considère qu’ils vendent des chapes de dérailleur 500.- pour gagner 2 watts, et après un bref calcul, cela reviendrait-il à dire que ses poils vaudraient 2500.- ?

Oui enfin ça c’est pour les autres. Car lui n’a que faire de 10 watts. Peanuts !

Dans son cas ce serait plutôt « poils aux pattes, gare aux watts ! »

Il y a aussi Iron Man. L’homme au vélo d’acier. Le vélo n’est pas un sport pour lui, ni un hobby. C’est un mode de vie.

Nous nous retrouvons à Vevey pour un « petit tour » entre Lavaux et fribourg. Quand je jette un œil à son vélo, je me dis que ce n’est pas la chasse aux grammes dont il aurait besoin, mais la chasse aux kilos. Un certain nombre en l’occurrence !

Pas de cuissard, pas de maillot, encore moins de pédales automatiques. Iron Man est simplement vêtu d’un bermuda, d’un tee-shirt et d’une paire de baskets. Seul le casque le différencie de n’importe quel passant. Mais voilà, il n’est pas un simple passant. Loin de là.

Nous empruntons la canto jusqu’à Lutry pour rejoindre la Petite Corniche. C’est là que les ennuis commencent.

Fini de me la couler douce abritée dans sa roue.

Plus le choix : il faut appuyer sur les pédales. Mais à ce jeu là autant dire que je ne fais pas le poids contre ce mastodonte. Même avec mon vélo de 7kg tout mouillé aux roues carbone à 1300g la paire.

Avant de douter sérieusement de mon état de forme, je jette un œil à mes watts : 250.

Me voilà rassurée : le problème, en l’occurrence, n’est pas ma forme, mais la sienne !

Il me parle. Youpi je n’ai pas besoin de le faire. Il me pose des questions. Zut. Je me concentre pour trouver la manière la plus courte d’y répondre. Oui ou non de préférence.

Dans ma souffrance, je cherche des explications à ses supers pouvoirs. Il habite Lausanne. Perso j’appelle ça du dopage géographique. Lui me rappelle que j’habite Arbaz et que je vais souvent au travail à vélo. 1 partout, balle au centre.

Pas pour longtemps.

De retour à Vevey, j’ai compris une chose : quand la gazelle veut faire la course avec le lion, elle prend le risque de se faire dévorer.

Il y a les cyclistes qui en jettent. De la tête aux pieds, du vélo à la tenue. Beaux à voir, sans aucun doute. Et puis il y a ceux qui ne paient pas de mine. Bedonnants, poilus, aux vélos du siècle passé. Mais capables de nous surprendre, de créer de la magie où on ne l’attend pas. Et à une époque où le vélo se joue à l’oreillette, qu’il fait du bien ce vent de fraîcheur et de spontanéité !

Et de toute manière, que l’habit fasse le moine ou non, c’est à la pédale que ça se joue !

Anaëlle Racine

Anaëlle s’est découvert sa véritable passion pour le vélo de route à 32 ans, en relevant le défi de participer à la Gruyère Cycling Tour contre un abonnement de ski. N’ayant pas de vélo, c’est son frère qui lui a prêté le sien pour commencer à s’entraîner. 3 semaines plus tard, elle achetait son premier vélo, et la grande histoire d’amour a commencé.
Installée en Valais Central, c’est sur Fribourg, avec le club ACC Corminboeuf dont elle fait partie, qu’elle a appris à rouler. Elle aime quand chacun participe à la réussite du groupe, apportant son énergie, sa contribution et sa sueur à chaque relais, assurant la sécurité de ses coéquipiers. Sa devise sur le vélo : souffrir avec le sourire.
Suivez Anaëlle sur Instagram : anaelleracine_vs. Retrouvez tous ses articles ici.