Tandis que je déambulais tranquillou sur mon VTT depuis des années et, j’avoue, nourrissais un certain dédain envers les cyclistes sur route, ces sociopathes imbus d’eux-mêmes, toujours au taquet sans jamais décrocher un rictus, encore moins ce «bonjour» semblant resté coincer dans leur dentier, je le clamais haut et fort : jamais je ne sortirais avec un de ceux-là. NON, PAS VÉLO DE ROUTE !
Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau…
C’était sans compter sur cette frimousse qui me passe tout à coup devant le nez et qui permet à mon système cardiaque – pourtant bien verrouillé – d’accélérer la cadence sans me le demander vraiment. Je crois que l’on appelle cela chez nos amis Québecois : tomber en Amour. Et la chute fut sans appel.
Lors du premier rancard, au vu d’une entente presque flippante d’harmonie, il me déclare : «pour mes 40 ans, l’année prochaine, je vais faire le tour de l’Écosse à vélo…». Subjuguée, je lui réponds : «Ha, non l’Écosse pour mes 40 ans, ça c’est mon idée !». OK, bingo, il m’avait définitivement emballé avec une promesse de 1000 km en 10 jours sous un ciel pluvieux et venteux à souhait, et sur un vélo… de route. L’amour rend con, c’est certain !
Notre accouchement
Rapidement nous avons commencé notre idylle (la frimousse nommée Seb et moi-même) ainsi que nos entraînements : moi sur mon mountain bike, lui sur son vélo retro monté par ses soins. Rapidement, il a fallu se rendre à l’évidence : il me faudra un autre style de monture pour le cyclo-voyage. Mais pas n’importe lequel ! Une reine pensée et créée par mon amoureux, hé oui, s’il vous plaît. Et nous avons ainsi donné naissance à Mon P’tit vélo : un magnifique Vitus. Cadre en alu serti, ancien mais neuf, d’une couleur mauve psychédélique (ou en fait je ne sais pas, car les couleurs sont subjectives), léger mais solide, routier mais alternatif, un bébé que j’allais pouvoir éduquer à ma mesure.
Nous voici donc affublés d’un nourrisson encore tout nu à habiller chaudement pour les routes écossaises. Seb a choisi des composants Shimano – à l’époque je n’y connais vraiment pas grand-chose. Nous sommes d’accord sur le cintre plat et je suis ravie d’utiliser des manettes de vitesses à l’ancienne sur le cadre, petit bonus non négligeable permettant de ressentir les changements de plateaux glissant délicatement du bout des doigts et sans saccade. Il ajuste des pédales de rockeuse pour mes basket roses fluo – non pas de clip, je ne vais tout de même pas ressembler à une cycliste ! Des étriers caliper et des patins de frein suffisent car freiner c’est accessoire, à ce stade je descends encore avec frayeur à 2 à l’heure. Mon Seb, passionné en première instance des fixies, avait alors toujours un peu de mal à installer quelques pignons supplémentaires sur ses montures. Il met 2 plateaux à l’avant et une cassette de 6 vitesses à l’arrière, qui, d’après son expertise, seront largement suffisants ; de toute manière, l’Écosse c’est plat. On en reparlera…
Road cycling initiation
Me voila donc partie sur les routes des Highlands avec un presque-vélo-de-route à l’issue d’un malentendu. Qu’est ce que l’on ne ferait pas par amour ! Mais je kiffe Mon P’tit vélo, il est léger (ça tombe bien car moi aussi), fluide, maniable, très beau et surtout ne ressemble à aucun autre ! Rouler sur un bijou réalisé par son partenaire de vie, quoi de mieux pour avaler les km de bitume en toute quiétude ?
Je n’ai pas honte de relater qu’en 2015 la montée devant chez moi de 20 mètres était un pur challenge à elle toute seule. Une année après, mon défi était de simplement gravir le col de la Croix jusqu’en haut en 1 fois. Mais, depuis 2018, mon Vitus s’en est tapé des dénivelés !
Puis finalement, rouler sur des itinéraires routiers, cela s’apprend, se comprend, se ressent. Je découvre la vitesse, la sensation d’évasion décuplée, le champs des possibles extrapolé, j’en veux encore. Parfois, en plus, j’arrive à décrocher un sourire chez certains cyclistes un peu humanisés… les autres, tant pis pour eux, ils ratent l’occasion de me rencontrer, ne serait-ce qu’une demi seconde pour un simple «eye-contact» ou de partager quelques mètres sur une montée ou l’on aurait pourtant le temps de papoter. Car le vélo, de ma perspective, c’est l’évasion, l’aventure, la liberté mais ce sont aussi des rencontres fortuites au sein de cette communauté dans laquelle on évolue.
Cyclo-romance
Si tu aimes le VTT, ne sors pas avec un cycliste routier, tu risquerais de boire l’eau de la fontaine que tu faisais mine d’ignorer. L’accouchement s’est finalement bien passé, sans grosses contractions et le paquet a été délivré à terme. Avec un biberonnage plutôt cadencé et des braillements relativement inexistants, bébé est bien docile et grandit de manière linéaire.
Route ou pas, le vélo qui se vit à deux est fort sympathique. Ces moments de chemins parcourus ensemble sur Nos p’tits Vélos, singuliers et trépidants, démontrent que l’on est cycliste au delà du type de sa monture.
L’astuce du vélo heureux
Il aime la graisse mais pas trop, et de la bonne par pitié.
De temps en temps il apprécie une petite douche fraîche mais sans savon agressif et qu’on lui frotte le cadre avec délicatesse, si j’ose…
Il a également besoin de repos dans un local ni trop humide ni trop poussiéreux. L’hiver il aime bien être à l’abri.
Afin d’éloigner les mauvais présages, mettre quelques gouttes d’huile essentielles de Geranium Rosat sous la selle avant les grandes sorties.
Procéder toujours au M-check du vélo avant de se lancer sur un itinéraire plus long : un seul rayon un peu branlant peut perturber tout son équilibre.
Julia Delattre – Fix Yourself
Julia aime pédaler depuis toute petite, surtout pour s’évader. Née en Bretagne et Villardou d’adoption, elle vit sur le plateau avec son fils depuis 2011 ou elle profite pleinement de ce terrain de jeu incroyable, pour la rando, la course à pied, le vélo ou simplement la méditation.
La vocation de Julia étant de transmettre les émotions ressentis grâce au mouvement (oui, elle ne tient pas en place !), elle a terminé en 2019 une formation complémentaire de conseillère en naturopathie spécialisée dans la nutrition et les performances. De nature altruiste, elle aime particulièrement décortiquer le fonctionnement holistique de l’humain et partager ses connaissances et savoir-faire.
Vous pouvez contacter Julia sur son site Fix Yourself et voir tous ses articles ici.