Vélo-digeo – Effort et digestion ne font pas bon ménage

Gérer sa digestion pendant l’effort n’est pas une mince affaire. Certes, il est déconseillé de manger trop riche juste avant le départ, cependant il faut assimiler assez de ressources nutritives. Les abandons lors des courses ne sont pas toujours dus à une casse ou une chute ; en effet, une flopée d’arrêts prématurés arrive trop souvent à cause d’une digestion mauvaiseet impossible à surmonter. Quand le système digestif s’en mêle, les jambes ne répondent plus. Alors, c’est quoi l’astuce ?

Anticiper sa digestion

D’abord, il est essentiel d’apprendre à se connaître. Chacun sait plus ou moins quels types d’aliments contrarient sa digestion. Il est évident que l’on évitera une bonne fondue ou un cassoulet avant un effort, mais parfois c’est simplement une salade de tomates qui peut devenir l’élément perturbateur.

Dans les tomates, il y a de l’histamine. Cette substance peut générer chez certaines personnes une intolérance déclenchant des symptômes tels que des démangeaisons sur le corps, des vertiges, mais aussi des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales). Dans ce cas il est mieux d’oublier le jus de tomate avant le départ…

Pour commencer à maîtriser sa digestion, il est judicieux de comprendre son mécanisme interne et pourquoi elle est parfois difficile. A ces fins, commençons par étudier le pouvoir incroyable des enzymes digestives. Elles se trouvent à l’intérieur de notre organisme pour de très bonnes raisons.

Le Docteur Howell découvre ces enzymes en 1946. Ses travaux sont alors considérés comme une des plus importantes avancées dans le domaine de la nutrition. Après des décennies d’approfondissement et d’expérimentations diverses, il démontre qu’«aucuns des minéraux, vitamines ou hormones ne peuvent fonctionner sans les enzymes». Puis, de fait, il découvre que la plupart de nos maladies liées au vieillissement ont comme origine une digestion déficiente en enzymes. Malheureusement, leur production diminue dès 30 ans ; c’est une des raisons pour lesquelles il devient de plus en plus difficile de digérer un repas copieux en vieillissant.

Enzyme mon amie

Une enzyme est une protéine (une grosse molécule), située dans les cellules. Elle a pour mission de faciliter les réactions chimiques. Dotées de rôles divers, on en compte plus de 4000 sortes au sein de l’organisme humain. Les enzymes digestives ont pour principale fonction de faciliter la digestion des aliments. Comme elles aident à la transformation des aliments en nutriments plus petits et par conséquent plus facilement assimilables par les cellules de l’organisme, on comprend pourquoi il est important qu’elles soient opérationnelles !

Fabriquées et sécrétées naturellement dès qu’on ingère un aliment, on les retrouve d’abord dans les glandes salivaires, ensuite dans l’estomac, puis dans le foie, le pancréas et finalement l’intestin. Elles sont donc présentes tout au long du processus de digestion.

Elles permettent également d’éviter la fuite au sein de notre système digestif de particules d’aliments non digérés qui ne pourraient pas être utilisés comme nutriments par nos cellules. Elles évitent ainsi que des molécules trop grosses stagnent et  putréfient pour se transformer en toxines (ballonnement ou flatulences) ou que, au contraire, des molécules trop petites puissent traverser la paroi intestinale et être alors identifiées comme des dangers par le système immunitaire engendrant ainsi une réponse inflammatoire.

Les principales enzymes digestives sont l’amylase (dans la salive). Elle décompose les glucides, les amidons et les sucres naturellement présents dans tous les aliments d’origine végétale crus pour les transformer en glucose (la réserve d’énergie). Les protases (dans l’estomac et le pancréas) sont les enzymes qui digèrent les protéines et les transforment en acides aminés jouant un rôle essentiel au niveau du fonctionnement cellulaire, des muscles et du système nerveux notamment. La lipase (pancréas, intestins) aide la digestion des lipides, c’est à dire toutes les matières grasses naturellement présentes dans les produits laitiers, les noix, les huiles et les viandes pour les transformer en acides gras. Enfin, la lactase aide à la digestion du lactose, le sucre présents dans le lait et ses dérivés.

Quel est le rapport avec le cycliste qui abandonne pour cause de problèmes digestifs ? L’efficacité de votre activité enzymatique est une piste non négligeable: lorsqu’elle est bonne, on digère mieux ! On trouve ces enzymes digestives dans une alimentation quotidienne équilibrée et variée. Il ne faut pas oublier que se nourrir correctement est un travail de fond : chaque jour, on capitalise son énergie vitale et sa santé. Si un petit écart de temps en temps n’est pas grave en soi, c’est la constance de l’alimentation saine qui fera la différence. Si l’on semble demeurer en pleine forme de longues années sans problème digestif, croyez bien que passé 60 ans, vos intestins sauront vous rappeler ce que vous leur avez fait subir avant. Mais si vous avez un métabolisme plus sensible, vous aurez peut-être le privilège d’expérimenter assez jeune les diverses brûlures d’estomacs, douleurs intestinales, crampes abdominales qui forcent à sauter de votre monture pour aller vite soulager vos petits maux derrière un buisson…

Dans certains cas, il est possible de demander une supplémentation en enzymes auprès d’un professionnel. Cet apport complémentaire permettra de dynamiser l’activité enzymatique et ainsi mieux digérer. Néanmoins, ce ne sera qu’un soutien ponctuel qui ne corrigera pas le déficit enzymatique sur le moyen et long terme.

Digérer ou rouler

Lorsque notre organisme est occupé à digérer il n’est pas disponible pour grimper un col et vice-versa. C’est pourquoi il est conseillé de manger au moins entre 2 à 4h avant l’effort histoire que le repas soit déjà descendu dans les chaussettes. Pour cela, privilégiez des aliments avec un apport glucidique complexe (pâtes, riz complet, couscous, sarrasin…), des légumes frais (éviter la famille des choux et ceux trop fibreux), une viande blanche grillée avec une filet d’huile d’olive ou de colza. Évitez les yogourts et les fruits à propriété laxative comme les pruneaux.

Il faut aussi bien comprendre que les activités physiques intenses acidifient l’organisme et déséquilibrent notre fameuse balance acido-basique (PH). Le vin blanc, la charcuterie et le fromage sont fortement acidifiant et sont donc à bannir avant l’effort mais également en période de récupération. On privilégie des aliments aux vertus basifiantes comme la pomme de terre, les aubergines, les oléagineux et le citron. N’hésitez pas à manger de l’ail et de l’oignon avant l’activité (hé oui!), ils sont aussi alcalins et disposent en plus de propriétés anti-inflammatoires ce qui n’est pas négligeable avant l’effort. Il est aussi recommandé d’éviter les légumes crus avant l’activité physique, d’autant plus si souffrez déjà du syndrome de l’intestin irritable ou d’une maladie inflammatoire de l’intestin.

Un autre aspect à considérer est ce fameux stress qui, rappelons-le, n’est pas ni un sentiment ni une émotion mais un mécanisme de défense physiologique. Pour le cycliste en pleine escapade, il intervient comme un facteur déclencheur de dysfonctionnements digestifs. Si pendant un entraînement ou une course, au niveau mental, le mode guerrier s’enclenche au détriment total du simple plaisir d’être en route, votre système nerveux sympathique enclenche alors sa procédure «défense» consistant à distribuer l’énergie disponible directement dans le tonus musculaire et réduire les impulsions digestives ; ce qui peut expliquer que, tandis que l’on est en pleine attaque de col pour arriver premier, on a tout à coup juste envie de…

L’astuce du cycliste heureux

Afin de parer à l’éventuel arrêt d’urgence derrière un arbre, voici quelques conseils… Minimum 30 minutes avant le départ, misez tout sur la fabuleuse banane-cannelle qui vous apportera des glucides, du magnésium, de la sérotonine plus un effet constipant et anti-inflammatoire.

N’hésitez pas à cuisiner le repas d’avant avec des herbes aromatiques, comme la coriandre ou le basilic, qui sont digestives.

Si pendant l’effort vous sentez monter la nausée, prenez une goutte d’huile essentielle* de basilic tropical dans une boulette de mie de pain, elle est antispasmodique et stomachique (contre ballonnements, aérophagie, nausées, spasmes digestifs), ou une goutte d’huile essentielle* de menthe poivrée sur le nombril en massant (on peut aussi simplement la respirer à-même la flacon – attention aux yeux, peut générer des brûlures).

Si vous vous sentez un peu ballonné avant de partir, buvez un verre d’eau avec une pointe de couteau le bicarbonate de sodium à dissoudre ou mâcher un bout de gingembre qui a des propriétés anti-inflammatoire et anti-nausée (personnellement j’en ai toujours avec moi!).

Bonne route !

*L’automédication est dangereuse : veillez à toujours vous renseigner auprès d’un professionnel.

Julia Delattre – Fix Yourself

Julia aime pédaler depuis toute petite, surtout pour s’évader. Née en Bretagne et Villardou d’adoption, elle vit sur le plateau avec son fils depuis 2011 ou elle profite pleinement de ce terrain de jeu incroyable, pour la rando, la course à pied, le vélo ou simplement la méditation.

La vocation de Julia étant de transmettre les émotions ressentis grâce au mouvement (oui, elle ne tient pas en place !), elle a terminé en 2019 une formation complémentaire de conseillère en naturopathie spécialisée dans la nutrition et les performances. De nature altruiste, elle aime particulièrement décortiquer le fonctionnement holistique de l’humain et partager ses connaissances et savoir-faire.

Vous pouvez contacter Julia sur son site Fix Yourself et voir tous ses articles ici.