Bohemian Border Bash: la vie de bohème de Linda

Après 7 jours, 7 heures et 17 secondes, j’ai finalement terminé la Bohemian Border Dash Race, un parcours de 1364 km et 22886 m de dénivelé qui contourne les anciennes frontières de la Bohême. La course est un événement d’ultra-endurance à itinéraire fixe, sans assistance, à étape unique, avec un mélange de route et de off road. Le long du parcours, nous traversons plusieurs frontières en passant par la République tchèque, l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne.

Écrit en anglais par Linda Farczadi. Traduction: cycliste.ch

Cette année, j’ai été la première et la seule femme en solo à franchir la ligne d’arrivée. Sur les 61 coureurs qui se sont alignés au départ, seuls 26 d’entre nous ont terminé. Je suis venue ici en pensant à la course, à minimiser mon sommeil, en atteignant les watts moyens visés et en optimisant ma position. Je pensais qu’il me faudrait entre 5 et 6 jours pour effectuer le parcours. J’ai rapidement réalisé que le véritable défi pour moi ici sera de franchir la ligne d’arrivée dans le temps imparti. Avec des conditions météorologiques extrêmement difficiles et un parcours absolument impitoyable, la progression a été beaucoup plus lente que je ne l’avais prévu. Les innombrables heures passées en selle ainsi que toutes les sections de hike-a-bike ont eu un impact sur chaque partie du corps.

Bien plus que le cyclisme, il s’agit finalement d’un exercice de résolution de problèmes, de contrôle des dégâts et de persévérance. Chaque jour, différentes conditions se relayaient pour le titre de “plus gros problème” : lésion à la selle, douleur au genou, tendon d’Achille, saignement de nez, crise d’asthme, difficulté à rester éveillé, manque d’appétit. Alors qu’un problème s’améliorait, un autre s’aggravait. En plus de cela, les choses étaient rendues plus difficiles par ma série constante d’erreurs presque comiques. Juste au moment où vous pensez que les choses ne peuvent pas empirer, elles le font.

© Maty Podroužek

Le premier jour, dès que l’averse de pluie verglaçante commence, je constate la situation de mon pire cauchemar : mon pneu arrière est presque à plat. Je dois le gonfler toutes les heures et demie pendant les deux jours suivants, jusqu’à ce qu’il parvienne à tenir le coup et à ne plus perdre d’air pour le reste de la course. À ce moment-là, je fais un pacte avec l’univers : si seulement ce pneu tient le coup, je pédalerai avec plaisir le reste des kilomètres restants.

Peu après, ma trace GPS me conduit dans un marais. N’ayant aucune expérience de traversée de rivière auparavant, je décide d’enlever mes chaussures et de continuer. Je n’ai même pas pris la peine de relever mes genouillères. Après deux pas, j’ai glissé dans une eau beaucoup plus profonde que je ne le pensais et je me retrouve maintenant jusqu’à la taille à essayer de ne pas tomber complètement. Le lendemain, j’ai perdu ma paire de gants chauds, mais j’ai trouvé une paire de gants de jardinage près d’une cabane qui m’a sauvé la vie. Qui aurait cru que des gants de jardinage pouvaient être parfaits pour faire du vélo…

Cette nuit-là, j’ai réservé un hôtel dans un petit village et je les ai même appelés pour leur dire que j’arriverai tard, mais à mon arrivée, l’endroit était complètement fermé et abandonné. Et bien sûr, un orage se prépare. Je sors donc mon bivouac d’urgence que je n’avais pas vraiment prévu d’utiliser, je mets tous mes vêtements et je m’installe sur la table en bois d’un restaurant extérieur car je n’ai ni tapis ni sac de couchage. Heureusement, la terrasse extérieure dispose de quelques parasols qui me sauvent de la tempête. Le matin, je laisse le câble de chargement de mon Garmin sur le lieu de bivouac. Face à la perspective de ne plus avoir d’appareil de navigation, je continue à demander autour de moi dans la forêt, si quelqu’un a un câble, jusqu’à ce que je tombe sur le gars le plus gentil de la République tchèque qui ne parle pas du tout anglais, mais après beaucoup de gesticulations, il a un câble et il est prêt à me le donner et refuse même d’accepter de l’argent pour cela.

© Maty Podroužek

Plus loin, en essayant d’améliorer la situation des plaies à la selle, j’ai décidé de faire une pause de 5 minutes au milieu de la journée pour sécher ma peau de chamois au soleil mais quand je la remets, elle est pleine d’insectes qui me piquent violemment partout avant que je puisse remettre le cuissard. Je continue donc avec des piqûres pour compléter les plaies à la selle… Et l’avant-dernier jour, avec une confiance retrouvée, je décide de me glisser sous une branche d’arbre dans une descente rapide, mais je n’ai pas bien estimé la distance. Mon casque finit par heurter la branche, mais heureusement, je reste sur le vélo et il ne me reste qu’un mal de tête et un ego blessé.

Malgré toutes les difficultés, j’ai aussi eu beaucoup de bons moments partagés avec les autres coureurs. Après mon incident dans le marais, j’ai croisé Martijn Van Loon qui non seulement est tombé dans le marais comme moi mais a aussi endommagé son téléphone dans l’eau. Nous nous sommes immédiatement liés en tant que copains de marais. J’apprends également de lui et de Nils Thomsen, au cours du dîner de ce soir-là, le conseil clé de toujours commander une deuxième pizza à emporter, que je commence à mettre en œuvre les jours suivants.

Même si Martijn perd un peu de temps à trouver un autre téléphone, il prend son envol et disparaît dans la nature. Nous nous croisons cependant à un autre point bas pour moi, lorsque j’ai dû faire le bivouac d’urgence. Heureusement il est aussi dans le même village et je m’installe à côté de lui. Lorsque je me réveille le matin, il est déjà au prochain point de contrôle. Nous ne nous revoyons qu’à l’arrivée.

© Maty Podroužek

Plus tard, j’ai croisé à plusieurs reprises Nico Mausch, dont la compagnie m’a remonté le moral dans certains moments difficiles. Nous échangeons des histoires sur notre passé de cyclistes sur route. Il me parle de son rêve de terminer la Race Across America, et de la façon dont il a été privé de ce rêve lors des graves inondations en Allemagne l’année dernière, qui ont détruit tout son équipement.

J’ai également beaucoup de plaisir à rencontrer Holly Sears et son partenaire Steve Davidson et à partager avec eux notre frustration mutuelle concernant les sections de hike a bike. Si certains coureurs ont apprécié le terrain plus technique, disons simplement que moi, Holly et Steve n’en faisions pas partie. Nous avons traîné nos vélos en ronchonnant sur d’innombrables rochers, des arbres tombés et des sections de marche sans aucune trace de sentier, ce qui a presque stoppé notre progression.

Bien sûr, tout n’était pas si sombre. Croyez-le ou non, plus de 80 % du temps, je roulais avec peu ou pas de douleur, je traversais des paysages incroyables, je croisais d’innombrables lapins, cerfs et renards, et j’étais seule dans la forêt avec les premiers et derniers rayons du soleil.  À la fin, Ondrej, l’organisateur, m’a demandé ce qui m’avait permis de tenir bon dans les moments difficiles. La réponse est simple : J’aime vraiment faire ça. Au bout du compte, j’ai pu traverser une nouvelle et belle région, découvrir ses habitants, nouer des liens durables avec les autres participants, tout en faisant ce que j’aime le plus : rouler à vélo. Alors, même si je vais devoir panser mes plaies pendant un certain temps après cette aventure, je n’hésiterais pas une seconde à la recommencer.

L’équipement de Linda

Vélo

Open Wi.DE (le meilleur !!)
Groupe Shimano GRX
38T et cassette 11-50 Garbaruk
Roues Fulcrum Rapid Red 650b
Pneus Schwalbe Thunder Burt 2.1

Sacs

Sac de tube supérieur Apidura racing 1L
Apidura pochette à nourriture 1L
Sac de cadre Apidura racing 4L
Sac de selle Apidura 9L
Gilet d’hydratation Salomon 12L

Outils

Multi tool Lezyne avec dérive-chaîne
2 x chambres à air Tubolito
1 x patch Tubolito
2 x maillons de chaîne quick link
2 x démonte-pneus
Valve
Pompe OneUp Components
Lubrifiant pour chaîne

Électronique

Anker power bank
iPhone + chargeur
Garmin 530 + chargeur
Lampe frontale Exposure + chargeur
Lampe de casque Exposure
Lampe dorsale Bontrager

Hygiène

Crème cuissard
Crème solaire
Lingettes pour bébé
Brosse à dents

Hydratation

bidon de 750 ml
Poche d’hydratation de 1,5 L

Système de couchage

Bivouac d’urgence

Vêtements

Maillot Castelli Gaba
Cuissard à bretelles Castelli Nano
Manchettes Castelli Nano
Genouillères Castelli Nano
Protège-tête Castelli
Veste à capuche GoreTex ShakeDry
Pantalon GoreTex
Veste en duvet Patagonia
Gants courts
Gants longs en néoprène
2 x couches de base en mérinos
1 x chaussettes mérinos
Chaussures Shimano MT7
Lunettes 100% photochromiques

Linda Farczadi

Linda explore la Suisse à vélo depuis qu’elle a quitté le Canada pour venir s’installer ici en 2015. Mathématicienne de formation, Linda est d’abord venue à Lausanne pour un poste de recherche à l’EPFL. Elle a fait ses débuts dans le cyclisme sur route avec le Lavaux Cycling Team et a participé à plusieurs courses sur route amateurs en remportant la Haute Route Alpes en 2019. Aujourd’hui, on la retrouve surtout sur son vélo de gravel pour explorer de nouveaux horizons aux côtés de son mari Philippe. Elle cherche à rencontrer d’autres passionnés de cyclisme et à entrer en contact avec la communauté du cyclisme d’aventure au sens large.
Suivez Linda sur Instagram: @lindafarczadi