Le Plateau et le Jura en mode bikepacking

Comment se préparer pour une épreuve d’ultra-distance en gravel ? Faire de l’ultra-distance en gravel. Encore une fois, Linda nous fait rêver avec une magnifique escapade en Suisse depuis son pas de porte. 

Écrit en anglais par Linda Farczadi. Traduction: cycliste.ch

La préparation

C’était le vendredi de Pâques à 6h du matin et il était temps de partir. Notre groupe de 7 cyclistes avait un programme de départ élaboré avec différents points de départ de Morges jusqu’à Villeneuve.

Le plan était ambitieux : 4 jours de bikepacking qui nous feraient traverser le Plateau suisse avec un retour par les routes des crêtes du Jura. Avec près de 200 km prévus le premier jour, il n’y avait pas de temps à perdre.

J’avais à mes côtés mon fidèle compagnon, le 3T Exploro, avec des pneus de 30 mm, une sacoche de cadre de 1L contenant mon téléphone, mon portefeuille, quelques barres et mes gants d’hiver, et une sacoche de selle de 7L contenant une paire de sur-chaussures, un pantalon long en gore tex, une veste isolante ultralégère, un sous-vêtement à manches longues en mérinos, un chargeur pour mon téléphone et mon Garmin, et une brosse à dents.

En raison des températures nocturnes encore froides (ou plutôt pour le bien-être mental de tout le groupe), nous ne nous sommes pas aventurés à dormir dehors et nous avons opté pour un équipement minimal avec le projet de passer les nuits à l’hôtel.

Comment le plan a été élaboré

Ce n’était pas seulement la plus longue distance que nous ayons jamais planifiée, mais aussi le plus grand groupe que nous ayons jamais eu (7 personnes). Il y a environ un an, lorsque nous avons commencé nos premières aventures dans le monde du bikepacking, nous étions satisfaits de parcourir des distances de 120 à 140 kilomètres par jour.

Il nous a alors fallu un certain temps pour optimiser notre paquetage, décider ce qu’il est essentiel d’emporter et ce qui peut être laissé à la maison, et minimiser le temps d’arrêt quotidien. Depuis lors, nous avons lentement augmenté la distance et la dénivellation de nos voyages.

En même temps, de plus en plus de nos amis ont commencé à acheter des vélos de gravel et des sacoches de bikepacking. Notre groupe s’est agrandi, tout comme nos ambitions.

Le catalyseur de notre voyage a peut-être été notre décision, plus tôt cette année, de nous inscrire à une épreuve d’ultra-distance sans assistance : l’Italy Divide. Avec une distance totale de 1’250 kilomètres et 22’000 mètres de dénivelé positif, nous n’avons pas choisi la course la plus facile pour nos débuts ! Avec pour objectif de terminer la course en 7 jours, nous devrions faire une moyenne d’environ 180 km avec un peu plus de 3’000 m de dénivelé par jour. Comme il n’y a souvent pas de gloire sans travail acharné, quel meilleur moment pour pratiquer notre rythme de course que les 4 jours de vacances de Pâques ?

Pour l’itinéraire, nous avons décidé de nous en tenir à des routes goudronnées à faible trafic et à quelques sections de gravel lorsqu’elles n’étaient pas recouvertes de neige.

Jour 1

Pour notre premier jour, la limite de la neige nous a contraint à rester à basse altitude, mais ce qui nous a manqué en termes de grands cols de montagne, nous l’avons compensé par les terrains vallonnés ridiculement raides que l’on trouve si facilement sur le Plateau suisse.

Parmi les points forts, citons les routes de gravel le long des marais dans l’Oberland bernois (sur la route VTT Suisse Mobile 452) et la montée raide mais magnifique vers Marbachegg (sur la route Suisse Mobile 820). De là, nous sommes descendus vers ce qui marquerait la fin de notre première journée, dans un hôtel de la région de l’Entlebuch.

Mes statistiques pour la journée : 190km, 3’808m de dénivelé, et 8h48s de temps total de déplacement. Voir sur strava

Oberland bernois

Jour 2

Le deuxième jour, nous nous sommes attaqués à des montées encore plus raides en partant de Lucerne, en passant par le lac de Zoug et en arrivant à Einsiedeln et son impressionnant monastère. Le temps n’a pas aidé à l’humeur générale, car un brouillard bas a fait que les températures ont été inférieures à 5 degrés pendant la majeure partie de la journée.

Une fois à Rapperswil, nous étions heureux de laisser nos jambes se reposer sur un terrain plus clément, en passant par les prairies et les marais au bord du Pfäffikersee et en suivant les pistes de gravel le long des méandres de la Töss, jusqu’à la fin de notre deuxième journée, juste à côté de Winterthur.

Mes statistiques pour la journée : 174km, 3’095m de dénivelé, et 8h24s de temps total de déplacement. Voir sur strava

Lac de Zoug

Jour 3

Le troisième jour est arrivé avec un soleil bienvenu et nous avons suivi le Rhin jusqu’à Bâle. Alors que la route était facile sur le papier, un rythme rapide à travers les pistes de gravel plates a fait que certains d’entre auraient presque préféré plus de montées. Nous avons rapidement obtenu ce que nous souhaitions, car depuis Bâle nous avons suivi les routes de gravel qui montent et descendent le long du Jura jusqu’à Saignelégier, terme de notre troisième journée.

Personnellement, c’était le jour le plus difficile pour moi en raison de la distance et du rythme, mais le magnifique paysage du Jura ainsi qu’un incroyable ravitaillement à Delémont (cela aide de rouler avec des gens du coin qui vous invitent chez leurs parents) ont fait que nous sommes tous arrivés en un seul morceau.

Mes statistiques pour la journée : 200km, 2’635m de dénivelé et 8h41s de temps total de déplacement. Voir sur strava

le long du Rhin

Jour 4

Enfin, le quatrième jour, nos exploits de la veille ont commencé à faire sentir leurs effets, et au moins personnellement, je me suis réveillée avec une forme moins brillante. Ceci, ajouté à un vent de face très fort toute la journée, a fait que je n’ai pas eu beaucoup d’hésitation lorsqu’une partie de notre groupe a décidé de raccourcir la journée et de prendre le train  une fois arrivé à Yverdon.

Malgré cela, nous avons apprécié le terrain vallonné qui nous a fait passer par La Chaux de Fonds, jusqu’à Travers et les magnifiques gorges de l’Areuse qui nous ont ramenés le long du lac de Neuchâtel.

Les statistiques totales de la journée : 114km, 1’490 de dénivelé, et 5h19s de temps total de déplacement. Voir sur strava

Points à retenir

Maintenant que j’ai eu quelques jours pour digérer notre dernière aventure, voici mes principales conclusions :

  • Empiler 200km avec 3’000 d’élévation en gravel, jour après jour, n’est pas une mince affaire.
  • Un temps maussade entraîne une humeur maussade et garder la chaleur consomme beaucoup d’énergie.
  • Le rythme ne peut jamais être parfait pour tout le monde et les niveaux de ronchonnement, de faim, de froid et de fatigue peuvent varier d’une personne à l’autre et tout au long de la journée.
  • Les ambitions et les objectifs sont individuels et peuvent changer, et il est essentiel de faire preuve de souplesse dans la planification pour s’assurer que nous vivons tous l’expérience que nous voulons (je ne regrette absolument pas d’avoir raccourci le dernier jour).
  • Faire ce que l’on aime, entouré de si beaux paysages et partager ces aventures ensemble sont les souvenirs qui resteront (du moins après que les souvenirs difficiles se sont estompés).

Linda Farczadi

Linda explore la Suisse à vélo depuis qu’elle a quitté le Canada pour venir s’installer ici en 2015. Mathématicienne de formation, Linda est d’abord venue à Lausanne pour un poste de recherche à l’EPFL. Elle a fait ses débuts dans le cyclisme sur route avec le Lavaux Cycling Team et a participé à plusieurs courses sur route amateurs en remportant la Haute Route Alpes en 2019. Aujourd’hui, on la retrouve surtout sur son vélo de gravel pour explorer de nouveaux horizons aux côtés de son mari Philippe. Elle cherche à rencontrer d’autres passionnés de cyclisme et à entrer en contact avec la communauté du cyclisme d’aventure au sens large.
Suivez Linda sur Instagram: @lindafarczadi