La Vache Qui Rit : On n’est pas venu là pour rigoler…

Un jour de mars, alors que j’étais au travail, j’ai reçu un « whatsapp”, j’ai jeté un coup d’œil vite fait sur mon smartphone et je me suis aperçu que c’était ma chère Christelle. Immédiatement, j’ai su que c’était pour me proposer un tour avec genre 3000 D+ dans le Valais puisque faire moins ce n’est pas drôle, ou encore foutre le camps 2 jours dans des régions plus ensoleillées pour aller assouvir notre fringale de la pédale. Et bien « Que nenni »! Pour une fois je m’étais trompé, en effet elle me proposait de l’accompagner avec Mathieu et plus si affinités à la cyclo de La Vache Qui Rit afin d’y faire le grand parcours en mode “chill”, tout ça dans le jura Français donc clairement pas au soleil.

Au début j’ai cru à une blague, Christelle se moquait-elle de moi ? Et bien non, car le dénivelé était effectivement d’environ 2’600 m pour une distance de 153 km.

A la base j’avais tiré un trait sur ce genre d’évènement pour des raisons débiles mais personnelles, mais finalement j’ai accepté l’invitation car une cyclo pas très loin avec une belle ambiance au programme, on saisit l’occasion.

Présentation de l’évènement

La cyclo de La Vache Qui Rit a eu lieu le 25 mai et 26 mai à Lons-Le-Saunier dans le Jura Français, à environ 2h de route de Lausanne.

Il s’agissait de la 4ème édition cette année. Pour le samedi, elle proposait :

  • La balade en famille de 4,4 km
  • La Gravel découverte de 35 km / 600 D+
  • La “Parcours Gravel” de 62 km / 900 D+
  • Et la Gravel Ultra de 102 km / 1’550 D+

Pour le dimanche c’était place à la route avec :

  • La randonnée de 37 km / 400 D+
  • Le petit parcours de 80 km / 1’000 D+
  • Le moyen parcours de 114 km / 1’700 D+
  • Et le Grand parcours de (pour rappel) 153 km / 2’600 D+

Qui dit France dit forcément tarif attractif, en effet pour 70 euros on a le droit au maillot que l’on doit porter durant l’évènement pour avoir un chronométrage officiel, et un sac avec plein de produits fromagers bien jurassiens + le bon pour le repas.

Rien ne s’est passé comme prévu

Le plan était clair, on devait se retrouver à 6 le samedi sur place et on devait passer une nuit là-bas afin d’être sur le lieu de départ tôt le matin. Mais voilà, 2 jours avant le départ, Mathieu, l’initiateur du projet est tombé malade, et après avoir passé deux nuits entre frissons et grosses transpirés, il a pris la sage décision de ne pas venir courir avec nous. Ainsi je me suis tapé deux heures de route seul dans mon van bruyant, à me parler à moi-même sur des routes interminables de la campagne françaises, toutes aussi défoncées que le nom des patelins que je traversais. J’ai compris que je m’éloignais de la Suisse lorsque les grésillements dans mes enceintes ont remplacé ma radio préférée, Couleur 3.

Arrivé sur place, j’ai essayé de rentrer en contact avec Christelle qui malheureusement n’avait plus de batterie (ça commençait bien), je savais qu’elle était déjà sur place avec son ami, mais j’ignorais ce que la suite me réservait. Finalement je suis rentré dans la halle où je devais chercher mon dossard, maillot et goodies, j’ai pris le temps de faire un tour pour voir les différents exposants qui proposaient de chouettes équipements de vélo, ou de délicieux produits régionaux.

Sur place j’ai croisé un collège de boulot qui venait de terminer le parcours Gravel, on a parlé vite fait de sa course et rapidement il m’a invité à tirer de la Vélosophe. Finalement après plusieurs verre, j’ai eu une idée de génie. « Tiens je vais voir si j’ai du Wi-Fi » (vu que je n’ai pas d’internet à l’étranger). Je me suis connecté au réseau et là… c’est la m….

J’ai découvert plusieurs messages de Christelle et de son ami m’annonçant qu’il venait de chuter à 15 km d’ici. Il me demandait de vite passer dans une pharmacie pour faire le stock de pansements et de désinfectants. Ni une ni deux j’ai fini ma troisième, et je me suis précipité dans la première pharmacie que j’ai vue pour remplir ma mission.

Je les ai rapidement rejoints à l’appartement que nous avions loué et j’ai découvert qu’effectivement, il ne s’était pas raté, côté gauche bien arraché et de belles douleurs qui finalement, durant la soirée, auront raison de sa volonté de participer à la course du lendemain. Encore un de moins…

On s’est couchés, déçus de la tournure, mais impatient de voir ce que le lendemain nous réservait.

Avec tous ces évènements, la préparation du petit déjeuner avait été quelque peu oublié, il n’y avait pas de café, pas de thé, juste des vielles tisanes douteuses pour bien dormir. On a accompagné le pain sec avec les apéricubes et le bout de Comté reçus en goodies la veille, et rapidement on a décollé vers Lons-le-Saunier pour prendre le départ.

L’ambiance était déjà bouillante ce matin-là, je voyais tout le monde préparer minutieusement son matériel sans laisser de place au hasard : électrolytes, gels et ravito par des amis… je croyais qu’on était là pour rigoler ? C’est là que j’ai appris que cette cyclo fait partie du trophée « label d’or » de la Fédération Française de Cyclisme: il y a un classement général sur l’ensemble des courses sous ce label, et beaucoup de participants n’étaient pas venus là pour enfiler des perles. Finalement j’ai pris 2 gourdes au lieu d’une et un deuxième paquet de graines en guise de prévision du pire, mais pas de gel comme tout le monde autour de moi.

On a réussi avec Christelle à s’installer quelques places derrière les participants du sas prioritaire, mais on a rapidement compris que la promenade qu’on avait prévue allait laisser place à une course endiablée. Après le speech des organisateurs en présence de Laurent Jalabert, le parrain de l’évènement, le compte à rebours est arrivé à sa fin, et à 10 secondes du départ je me suis tourné vers Christelle pour lui serrer la main et lui souhaiter une bonne cyclo… C’était la dernière fois que je voyais Christelle.

Encierro (le lâché de taureaux de Pamplona)

C’est parti fort, très fort ! la petite vache qui orne chaque maillot a laissé la place à de véritable taureaux de combat qui voulaient tout défoncer sur leur passage tellement il y avait de rouge. N’ayant plus (voir quasi jamais) roulé en peloton depuis longtemps, je me suis laissé dépasser par de nombreux participants qui cherchaient à se placer derrière la voiture de tête, j’ai préféré rester tranquille et observer autour de moi ce qui se passait avant de prendre une décision. Plus loin, une fois que le groupe de tête a pris les devants et distancé l’énorme troupeau dans lequel je me trouvais (il y en avait vraiment trop), j’ai vu une ouverture sur le côté gauche qui commençait à se dessiner. Et en plein milieu de la première montée, j’ai lancé une attaque bien sournoise pour foutre la merde et entendre tout de suite qu’une vingtaine de cycliste avaient répondu à l’appel. Par ce geste, je venais de créer une échappée. Arrivé en haut, plusieurs m’on remercié pour l’effort et rapidement un plan a été mis en place pour tenir le plus d’écart possible et rattraper le groupe de tête. Je n’ai pas osé dire que j’étais venu me promener avec des amis et j’ai compris que je pouvais tirer une croix sur les ravitos.

Tout allait tellement vite, la cadence était agressive et la communication s’est militarisée mais avec beaucoup de respect. On a enchaîné les relais et très (trop) souvent je me suis retrouvé à l’avant dans les côte pour tirer le groupe car mon vélo n’est pas adapté pour le plat, chose que j’allais payer cher plus tard.

Les kilomètres défilaient, je n’avais pas le temps d’admirer le paysage, certains dans le groupe avaient des amis au bord de la  route qui nous informaient de l’avance du groupe devant nous. Jamais je n’avais vécu une ambiance aussi folle dans une cyclo. On s’est accroché et on a gardé la tête dans le guidon sur plus de 100 km.

Mais voilà, vers la fin les choses se sont gâtées, car sur les 25 derniers kilomètres tous les parcours se rejoignaient, et rouler dans un peloton de fous furieux entre les gens qui sont venu là pour se promener me terrifiait un peu. Ça zigzaguait de gauche à droite, avec de la circulation en sens inverse. Soudain mon peloton a dévié vers la gauche, et entre tous les coureurs que l’on dépassait et les voiture qui venaient en sens inverse, j’ai pris la mauvaise décision de rester à droite.

Le peloton est passé, mais il m’a mis 10 mètres, je me suis tapé un sprint pour m’accrocher et là, ce fut l’explosion ! Plus rien ne répondait, mes jambes se tétanisaient littéralement et c’est dépité que j’ai regardé mon groupe m’abandonner.

Immédiatement j’ai pensé à la phrase culte de Marc Madiot qui dit : « le pelotons, il avance, Il ne s’arrête jamais. Tant que vous êtes dans le peloton vous avez une chance de vous en sortir. Si vous n’êtes plus dans le peloton, vous êtes en danger de mort »

Essoufflé et à bout de forces, je me suis retrouvé à pédaler avec la chaîne tout à gauche sur un faux plat montant pour redonner de la vie à mes jambes, mais rien n’y a fait, j’ai roulé seul pendant presque une dizaine de minutes, lorsque j’ai entendu un bruit derrière moi qui se rapprochait de plus en plus, m’annonçant que j’allais me faire avaler par le peloton qui arrivait à tombeau ouvert. 30 mètres avant son arrivée, j’ai accéléré la cadence pour m’y insérer en délicatesse et me laisser tirer cette fois jusqu’au bout.

On me posait des questions, combien d’avance avait mon ancien groupe ? Combien ils étaient ? J’avais juste envie qu’on me foute la paix à ce moment.

Lors de grand évènement à la télé comme le tour de France ou le Giro, j’ai toujours eu peur des arrivés au sprint, j’ai souvent vu les dégâts que ça pouvait engendrer quand les choses se passent mal, surtout quand des images de Fabio Jakobsen ressurgissent dans ma tête. Ainsi j’ai pris la décision à 2 kilomètres de l’arrivé de lâcher le groupe en le laissant filer car je savais qu’ils voulaient boucler un combat qui au départ n’était pas le mien.

J’ai franchis la ligne seul, mais tellement fier d’avoir été capable de rouler comme ça. Ma fierté a encore grandi quand j’ai appris que je n’était que 30 minutes derrière le premier. Quand j’ai jeté un coup d’œil à mes stats pour rigoler, j’ai été vraiment surpris d’avoir été capable de produire une chose pareille, finalement se caresser l’égo de temps en temps ça fait du bien 😉

Mon activité :

Pour la suite, j’ai découvert un coté hyper convivial où les ouvertures de discussions sont tellement faciles, on s’est retrouvés dans une salle bondée de passionnés qui débriefaient tous à leur manière leur expérience de course.

Une petite photo souvenir avec la vache au passage et on s’est précipités pour aller chercher le repas franchement délicieux afin de reprendre des forces pour le retour. Au menu, un hachis Parmentier à tomber par terre, une espèce de chouquette au Comté et une incroyable tartelette à la pomme… ou poire… je ne m’en souviens plus tellement je l’ai mangée vite.

Après un dernier verre, j’ai décidé de rentrer avec des souvenir plein la tête et du lactate plein les jambes. De retour en Suisse l’appel des meilleures chips du monde qui divisent notre population (team vinaigre VS paprika) était trop fort, j’ai craqué et je me suis arrêté d’urgence dans une station-service pour assouvir mon addiction à coup de gras et de sucre. Arrivé à la maison j’avais déjà dans le viseur la 5ème édition.

En résumé

C’était la première fois que je faisais une cyclo à l’étranger, et même si l’esprit de compétition était extrêmement palpable, la convivialité et la bienveillance étaient présents dans les regards de tous les participants. Finalement, peu importe comment vous abordez cette épreuve, sachez que tout les types de cyclistes y trouveront un grand moment de bonheur et de partage, chapeauté par une organisation qui nous unit autour du plus beau sport du monde.

Lucas Stifani

Vallorbier de naissance (personne n’est parfait !), mais expatrié chez les « Dzo » depuis 2017, c’est de vacherin fribourgeois, de meringue double-crème et de tour des Paccots que Lucas se nourrit. Ancien mordu de skateboard, c’est à la suite d’une sévère blessure aux chevilles qu’il s’est tourné en 2014 vers le vélo de route, où il entretient un amour profond pour ce sport.

Vélotafeur toute l’année (Châtel-st-Denis à Lausanne), et cycliste passionné aux heures perdues, Lucas est animé par un cyclisme simple, sans chichi ni fioriture, un cyclisme où on remercie chaque jour la beauté de la nature et le bonheur que procure par sa monture. Mais surtout où même la bière la plus dégueulasse peut se transformer en breuvage divin quand celle-ci est méritée après une sortie de vélo authentique entouré des meilleurs copains.

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