A la Vache Qui Rit, j’ai pleuré

Veni, vidi, vici… telle était la devise que je portais en moi en guise d’étendard lorsque j’étais venu découvrir cette incroyable cyclo lors de la 4e édition en 2024. Mais une fois la ligne franchie, ma devise c’est immédiatement transformée en riveni, rivedi, rivici, car le plaisir avait été incroyable, une ambiance de franche camaraderie, une organisation rodée, un parcours avec de chouettes paysages et diversifiés, entre parties rapides et montés bien sympa, qui peuvent être admiré uniquement quand on n’est pas focus sur la roue de devant, bref que du bon, pour plus de détail, je t’invite à (re)lire l’article de l’année passée qui explique plus en détail le « quoi comment ».

Pour ma part, tout a été quasiment identique à l’année passée concernant la partie logistique, le transport, aller chercher le dossard et le sac de goodies… la seule grande différence est que cette fois-ci je suis venu combattre seul, avec comme seul but de faire mieux que l’année passée, où aucune préparation spécifique n’avait été faite pour affronter ce type d’épreuve.

Mettre les chances de son côté…

Forcément je savais que pour améliorer ma performance de l’année passée, je me devais de faire un minimum de travail pour ça, c’est ainsi que pendant 8 semaines je me suis imposé un plan d’entraînement vraiment agréable qui comportait 3 séances par semaine de 1h, avec des exercices variés de fractionnés que je pouvais facilement placer dans mes trajets de vélotaf matinal.

Du haut de mes 37 ans, je voulais voir si avec une petite préparation il était possible de suivre les meilleurs et les plus jeunes, moi qui peine de plus en plus à me baisser pour faire mes lacets par manque de souplesse. Au final, si Cavendish l’a fait, on peut quand même essayer.

Éviter le même scénario

Le matin en arrivant au départ, un stress immense m’envahit lorsque je découvre la queue qui s’était formé sur la ligne de départ, j’avais un plan et il risquait de tomber à l’eau parce que je m’étais pointé trop tard, il fallait que je tente le tout pour le tout pour me placer au bon endroit quitte à passer pour un malhonnête auprès de certain participant, donc R.A.F je passe sur le côté des barrières en me faufilant sur le côté du bâtiment, et juste derrière le SAS des premiers je demande poliment à un gars de me laisser me placer dans le groupe, chose qu’il accepte chaleureusement. Il me porte mon vélo de l’autre côté et c’est ensuite que j’enjambe la barrière, que mon pied glisse à cause des cales, et qu’avec élégance et dignité je me froisse un testicule en m’éclatant l’entrejambe… mais détail, j’ai le sourire et la larme à l’œil, mais je suis placé, et exactement au même endroit que l’année passée. Serait-ce un signe ? Certainement pas.

Le départ est lancé, et comme l’année passée ça part trop fort. Je me fais rapidement dépasser par plus d’une centaine de ravagés qui cherchent à se placer stratégiquement derrière la voiture ouvreuse, on enchaîne les virages jusqu’à la sortie de la ville avec quelque gros freinage qui m’on donné quelque sueur froide quand soudain, la première montée approche, la même que l’année passée, sauf que cette fois-ci j’avais pour objectif de l’attaquer fort dès le départ pour me frayer une place le plus à l’avant possible. Je prends l’épingle, et je pousse la chaîne le plus à droite que je peux tenir, et moi tout à gauche de la route comme sur une voie de dépassement, où je demande pardon toutes les 10 secondes pour qu’on me laisse passer. Trop de participants se greffent à moi à ce moment et en arrivant en haut, je constate avec stupeur qu’une belle cassure a été faite, mais qu’on est vraiment trop, le rythme a été donné et celui qui ne le maintiendra pas sera jeté du groupe.

Au bout d’une quarantaine de kilomètres, une petite tension commence à se créer à cause de certain radins de l’effort qui ne veulent pas prendre de relais, on se retrouve une petite dizaine (dont je fais partie) à donner l’effort pour les plus de 40 autres derrières et on ne trouve pas ça correct, quand soudain un participant me propose d’essayer de faire éclater le groupe dans la prochaine montée d’environ 2,5 km de long, chose que j’accepte directement. Le plan : il envoie la première charge avec moi dans sa roue, et je prends le relais à un kilomètre du sommet pour étirer le plus possible le groupe et créer une cassure. Il commence le travail, j’observe sa puissance de 320W au travers de mon compteur et je lui demande s’il pense qu’il pourra tenir plus fort après, son « oui » valida notre plan et lorsqu’il s’écarta pour me laisser passer, c’est les fesses rivées sur la selle que je balance la sauce avec comme but de maintenir une puissance entre 380W et 400W pour faire exploser les tiques qui nous suçaient la roue. On entend la respiration des autres s’accélérer, des cris de douleurs quand soudain, la cassure se fait, on arrive au sommet et c’est là qu’on constate qu’on en a perdu plus de la moitié. On se fait traiter amicalement de malades, mais au final ça valait la peine de se faire du mal.

Plus loin, dans une autre montée avec une route accidentée qui traverse une forêt, je décide de me la jouer solo pour égrainer encore un peu le groupe, je roule à bloc dans ce secteur ou ça secoue bien, j’ai les images de MVDP à Paris Roubaix en tête, j’y crois, et ça passe ! Plusieurs gars nous quittent, majoritairement par manque de jus dans les jambes, mais également à cause de problèmes mécaniques type crevaison ou déraillement. On se retrouve une petite Armada de 20 avec un seul but, en finir le plus vite possible.

Place aux choses sérieuses

Soudain, à environ 50 kilomètres de l’arrivée, tout s’enflamme et la cadence devient diabolique. La fatigue commence à me faire perdre en lucidité et, focus dans la trajectoire de celui qui est devant moi, je pars à la faute comme lui, car on arrive trop vite dans un virage, lui arrive à s’arrêter, mais pas moi, et par un miracle divin j’arrive de justesse à l’éviter, mais aussi éviter le mur du petit pont en pierre qui m’aurait garanti une volée à la Evenepoel, en moins haut heureusement. Je ne perds pas mon groupe et je continue en sentant l’adrénaline dans tout mon corps. La cadence ne diminue pas et plus loin, alors que je suis devant, c’est moi qui pars à la faute dans une épingle, je me retrouve à rouler dans des hautes herbes sur quelque mètre avant de rejoindre la route avec plein de végétation coincée dans ma transmission. J’arrache tout et je continue, car je n’ai qu’un seul but, tout donner et rien lâcher.

On se retrouve à rouler à plus de 50 km/h au plat et on prend des risques débiles dans chaque descente, on n’est plus nous-mêmes à ce moment de la course, on zigzague comme l’année dernière avec les participants des plus petits parcours en se faisant de nouveau traiter de malades (mais méchamment cette fois), je regarde mon compteur et je vois qu’il ne reste plus que 2 bosses à passer et environ 20 kilomètres, et là je prie fort pour que ça tienne, car je commence sérieusement à ne plus avoir de jambes. La première bosse passe, la deuxième je décide de tout donner au début en priant pour que je me fasse avaler au sommet afin de ne pas perdre mon peloton, et c’est à bout de force que j’arrive au sommet, mais toujours dans le groupe. À ce moment je sais que mon objectif est atteint, il ne reste plus qu’à faire la finition.

L’année passée en arrivant dans le village, j’avais laissé filer le groupe, car je trouvais trop dangereux de s’envoyer un sprint dans ces petites ruelles de Lons-le-Saunier, cette fois-ci j’y suis allé à fond pour tenter ma chance et c’est là qu’au premier virage, ma roue arrière décroche, me fais déclipser pour me rattraper, et me résigne à rester à l’arrière du groupe, car les ruelles sont trop étroites et il n’y a pas de place pour passer. Je prends le dernier virage et je franchis la ligne en étant rempli de fierté pour ce que j’avais fait. Tout ce travail en amont avait fini par payer, est c’est 72 sur 1076 au général, et 32 sur 260 dans ma catégorie des 31-40 ans que je termine cette édition 2025 de la Vache Qui Rit.

La suite, elle est pareille que l’année passée, tout comme le repas. Mais je ne vous ai pas tout raconté…

La victoire est ailleurs

Dans tout ce texte que vous venez de lire, j’ai volontairement omis quelques détails, quelques événements, qui pour moi doivent être narrés dans un paragraphe à part, car encore aujourd’hui lorsque j’écris cet article, l’émotion est encore vive.

En 12 ans que je fais du cyclisme, j’ai très souvent été seul. J’ai pour habitude de me retrouver avec moi-même par volonté ou pas, mais surtout je sais que ce monde dans lequel je me sens bien est le mien et pas celui de tous. Quand je parle de cyclisme, je suis habité, j’aime ce sport plus que n’importe lequel autre, tout comme j’admire la beauté de la machine qui me procure du plaisir, de l’adrénaline, des découvertes et des moments d’évasion.

Aux yeux de mes proches, je reste cet artiste incompris qui continue à faire ce qu’il aime malgré le désintérêt de la majorité, et le manque de culture des autres qui met un frein direct à toute projection possible dans les toiles que je peins sur une carte telle un trait de stylo orange sur Strava. Je raconte mes paysages, mes montagnes, mes couchers de soleil, mais sans générer de l’intérêt de ceux qui m’écoutent, et je constate avec une certaine tristesse que de réussir à placer sur une carte Innertkirchen, Ulrichen, Wassen, Disentis ou encore Biasca n’est réservé qu’à une catégorie d’individu dont je fais partie.

Pour la Vache Qui Rit 2025, c’est seul que j’ai couru, avec en tête les objectifs que je m’étais fixés personnellement, j’allais me mettre dans ma bulle et ne pas me préoccuper des autres. Mais c’est là que dans un village, en le traversant à toute vitesse, dans un virage à droite, mon regard est parti à gauche. J’ai entendu une voix que je connaissais et vu un visage qui m’a donné des ailes, nos regards se sont connectés, ça n’a duré que 2 secondes, mais cette image restera à jamais dans mon cœur. On était venu pour moi.

C’est ainsi que je me retrouve pendant un instant dans la vie d’un petit garçon de 6 ans, en plein match de foot avec le ballon aux pieds, je suis porté par les cris de ceux qui me sont chers et j’espère mettre le ballon au fond des filets pour qu’ils soient fiers de moi.

En 12 ans de cyclisme, mais également dans d’autres des mes passions, c’est la première fois qu’on venait m’encourager, cette sensation de bonheur fait oublier toutes les douleurs et les difficultés parcourues pour ne laisser de la place qu’à de l’amour.

Je vous souhaite, à toutes et à tous, cyclistes ou non, de vivre ne serait-ce qu’ une fois dans votre vie cet instant, qui même à 37 ans m’a fait verser de nombreuses larmes d’émotion.

J’ai vécu ce moment 2 fois durant ma course, puis à la ligne d’arrivée lorsque j’ai vu ces sourires que je connaissais me congratuler depuis l’autre coté des barrières de sécurité. Je fais mine de reprendre mon souffle couché sur mon cintre à faire semblant de manipuler mon compteur, mais en réalité sous mes lunettes je suis en larmes et impossible de les stopper tellement l’émotion est forte. De l’amour déborde de moi, les vannes sont ouvertes au maximum, et je constate que je serai à jamais marqué de cette journée.

C’est ainsi que je me retrouve entouré de mes plus proches à raconter mon aventure incroyable où je me suis battu comme un acharné pendant plus de 4 heures.

Une cyclo parfaite, ce n’est pas le parcours, les paysages, les goodies, la qualité des ravitos ou encore le classement qu’on fait qui la rend belle, mais c’est l’émotion qu’elle procure. Pour moi, la cyclo de la Vache Qui Rit 2025 restera à jamais la plus belle des cyclos à laquelle j’ai participé. Car comme je l’ai dit précédemment, malgré une belle performance, la victoire est ailleurs.

Elle a eu lieu le dimanche 25 mai, jour de la fête des Mères en France. C’est ainsi que je clôture cet article, tel l’enfant de 6 ans mentionné plus haut, par un gros…

Maman je t’aime de tout mon cœur (mais pas qu’elle bien sûr).

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