Les Alpes à vélo avec Nicolas Richoz

Photos (c) Nicolas Richoz

En 2019, Nicolas Richoz a traversé 7 pays alpins sur son vélo, équipé d’un appareil photo et d’un drone. Il vient de publier un livre magnifique sur son périple aux éditions Slatkine: les Alpes à vélo. Vous l’avez peut-être rencontré au cours de l’une des conférences qu’il a données à travers la Suisse romande cet automne; nous nous sommes entretenus avec lui.

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Nicolas, qui es-tu? Quel a été ton parcours cycliste et sportif?

Je m’appelle Nicolas Richoz, j’ai 28 ans. J’ai grandi à Lausanne et j’ai obtenu fin 2019 mon master en génie civil à l’EPFL. 

Au niveau sportif, cela fait 10 ans que je suis membre du Tri Team Pully. En ce qui concerne le vélo, j’ai fait 1 année de VTT et 2 ans de cyclisme sur route au Cyclophile Lausannois en juniors. C’est de là que vient mon amour pour le cyclisme.

Et tu as fait quelques beaux résultats!

J’ai eu mes meilleures années durant mes études… à moins qu’elles soient encore à venir (rires)! J’ai été vice-champion du monde de triathlon Ironman 70.3 dans ma catégorie d’âge à Chattanooga aux USA.

Comme pour les championnats du monde Gran Fondo UCI, il y a des courses à travers le monde où les meilleures de chaque catégorie d’âge obtiennent leur qualification pour les championnats du monde. J’ai gagné ma place à Rapperswil et j’ai terminé 2ème de ma catégorie (3ème scratch) aux mondiaux.

Comment es-tu passé de cette carrière sportive à ce projet de voyage et de livre?

J’ai toujours adoré le sport pour les sensations qu’il me procure. Je ne faisais pas du sport pour la compétition, mais parce que j’aimais ça. Bien sûr, plus les résultats sont convaincants, plus on veut poursuivre la compétition mais j’ai toujours aimé le sport en lui-même.

En ce qui concerne mon voyage, le déclic est venu à Munich en 2017 alors que j’y faisais mon stage en génie civil. Des amis m’ont emmené sur le col du Kühtai, que je considère comme l’un des plus beaux cols d’Autriche. Ce jour-là, on a roulé 120km et 3’000 mètres de dénivelé et à la fin, je voulais juste repartir parce que cette journée était tellement belle. 

Pourquoi? Ce jour-là, on a partagé 3 valeurs essentielles à mes yeux. La valeur sociale – on est entre amis, on se tire la bourre, on s’amuse. La valeur sportive: on se sent bien dans son corps, on prend du plaisir à ressentir les émotions que nous procure le sport. Et puis la valeur esthétique. Pratiquer une activité dans un environnement naturel, c’est un facteur amplificateur des émotions. Ce jour-là, je me suis simplement senti vivant. Cela m’a donné envie de découvrir davantage de cols alpins et surtout de partager cette passion. C’est de là qu’est venu le déclic du livre et cette transition entre le sport le sport de compétition et le sport de loisir.

Quand tu parles du déclic du livre, est-ce que tu t’es vraiment dit ce jour-là “je vais prendre un cours de photo, je vais faire un voyage et je vais écrire un livre”?

Je pense que mon destin était tracé. Il y a eu plein de petits événements dans ma vie qui m’ont conduit à écrire ce livre. J’ai reçu un drone pour mes 25 ans et je me suis mis à la photo aérienne. Mon meilleur ami était passionné de photo et je trouvais incroyable comment il parvenait à embellir ses photos grâce à la post-production. Je faisais du vélo depuis que j’étais petit, et il y a eu cette sortie au Kühtai. J’étais à l’étranger, j’avais de bonnes sensations (c’était l’année où j’étais devenu vice-champion du monde). Je voulais aussi étudier l’évolution des ouvrages alpins à l’université mais le sujet n’était pas du tout réaliste. Je me suis donc dit: je ne peux pas étudier cela à l’université donc je vais en faire un livre. Finalement. Je suis aussi allé chez Payot et j’ai vu qu’il n’y avait aucun livre sur les cols alpins. Alors je me suis dit: tiens, c’est à moi de le faire.

Sur la route du col de l'Albula dans les Grisons
Sur la route du col de l'Albula dans les Grisons

Et la photo? Comment est-ce que tu t’y es mis?

Je me suis inscrit au cours en ligne de l’Institut de la Photographie de Genève. C’est un cours en douze modules sur une année. Le cours était génial, j’ai vraiment pu apprendre les bases de la photographie avec cette formation. Je me suis aussi abonné à des comptes Instagram, je me suis inspiré des différentes techniques que j’y ai vues. Après, j’ai beaucoup appris lors du voyage, en autodidacte.

Parlons du voyage. Comment l’as-tu planifié?

Deux ans avant mon départ, j’ai commencé à construire mon voyage. Je me suis inscrit au cours de photo, j’ai suivi une formation de pilote de drone, je me suis abonné à des comptes Instagram, des magazines cyclistes, j’ai étudié l’histoire du Tour de France, du Giro. Dès que je découvrais un col que je ne connaissais pas, je le rajoutais sur ma carte. A la fin, j’avais une liste de 1000 points d’intérêt: cols, lacs, sommets, barrages. Je me suis aussi basé sur la SOIUSA (Subdivision orographique internationale unifiée du système alpin), qui classe les différentes régions alpines. 

J’ai adopté une planification à trois échelles. Chaque mois je dessinais 2’000km de parcours pour m’assurer de rejoindre mon point d’arrivée à Savone avant l’hiver. Ensuite j’avais une planification hebdomadaire. Chaque semaine, je m’imposais un jour de repos durant lequel je réservais mes logements en fonction de la météo. S’il faisait beau, les étapes faisaient 100km et 3’000 mètres de dénivelé. S’il pleuvait, je me limitais à 50km. En moyenne, je comptais avec une heure de vélo pour une heure de photo. 

Après, il y avait la planification journalière. Chaque jour, je regardais l’itinéraire du lendemain  en détail. Je vérifiais que les routes étaient praticables et je planifiais les photos. J’étudiais quelles prises de vue je pouvais faire et je vérifiais sur Google Earth à quelle heure se levait le soleil et où il serait pour définir mon heure de départ et savoir où placer le drone.

Comment s’est déroulé le voyage? Il semble que tu as dû changer tes plans à cause de la météo

Ma compagne Coralie m’a accompagné sur les deux premiers mois du voyage, de Vienne jusqu’en Suisse. Je tiens à préciser qu’elle n’est pas partie car elle était dégoûtée, elle avait sa rentrée universitaire en septembre (rires)! Jusque là j’avais suivi un tracé continu mais j’ai dû l’interrompre à cause de la météo. Je suis arrivé en septembre au Tessin et les premières neiges ont conduit à la fermeture du San Bernardino pour quelques jours. Là, j’ai compris que je ne réussirais pas à rejoindre Savone en franchissant les plus hauts cols au cours du trajet. 

J’ai décidé de rejoindre le sud le plus rapidement possible par les cols à plus de 2’000 mètres avant leur fermeture hivernale. Depuis le Tessin, j’ai fait les grands cols suisses (Nufenen, Furka…), ensuite j’ai rejoint la France par le Grand Saint Bernard et le Petit Saint Bernard. Puis j’ai fait tous les cols de la Route des Grandes Alpes à plus de 2’000 mètres.

Arrivé vers Nice, je suis revenu en Suisse fin octobre et là j’ai parcouru les Préalpes suisses. (le Klausen était encore ouvert), ensuite je suis descendu vers Domodossola. J’ai fait les Préalpes italiennes et j’ai terminé par les Préalpes françaises avec le Ventoux (la veille de sa fermeture hivernale, le 9 novembre) et les Alpes de Haute Provence.

Parle-nous du matériel que tu as emmené avec toi

Côté vélo, j’ai fait la moitié du voyage avec un Tarmac S-Works, un vélo de route. Sur la deuxième moitié, j’ai pris un gravel. Pourquoi? Je suis passé à côté de la maison à mi-parcours et j’en ai profité pour changer car un vélo ultralight, c’est tape-cul! J’avais deux sacoches. Une à l’avant dédiée au matériel multimédia: ordinateur, drone, batteries, câbles, cartes SD, tout le chenit de la photographie! La sacoche avant faisait 7 kilos et la sacoche arrière 5 kilos pour le matériel textile: habits de vélo, pantalon de pluie, des couches chaudes car il fait vite froid quand on entrecoupe l’effort avec de longues pauses pour la photo.

Un col reconnaissable entre tous: le Passo Giau dans les Dolomites

Au début, vous vous photographiez mutuellement. Quand tu as poursuivi seul, comment faisais-tu?

Avec Coralie, j’avais emmené un petit trépied de 50cm de haut et quand elle est rentrée, j’ai pris un trépied de 142cm. Ceci dit, on voit dans le livre que lorsque je suis seul, il y a moins de portraits et plus de paysages et de photos aériennes. Avec le drone, j’avais une télécommande fixée sur la potence. Le problème du trépied c’est que je n’avais pas de télécommande pour l’appareil photo et avec un timer de 10 secondes il fallait sprinter pour être sur la photo!

Voilà pour l’organisation. Maintenant, parle-nous de ton expérience. Quels ont été tes coups de cœur? Tes régions favorites, tes cols préférés, tes découvertes…

Pour moi, la plus belle journée, c’est de partir à l’aube et de faire des photos du lever du soleil. Quand tu arrives à midi et que tu es satisfait de tes photos du matin, tu te dis que ta journée est réussie. Et si je suis sur un autre col le soir pour faire des photos du coucher du soleil, c’est la plus belle des manières de ponctuer une sortie à vélo. Les plus beaux moments que j’ai vécus, ce sont ceux qui créent ce sentiment de nostalgie le lendemain. Tu te dis “hier, c’était quand même pas mal”.

Ces émotions, je les ai ressenties sur le Passo Gavia en Italie. Je m’étais levé de bonne heure pour faire le Passo Tonale, ensuite je suis allé au Gavia. En chemin, j’ai rencontré 4 cyclistes de 70 ans et plus (l’un d’entre eux avait 89 ans et faisait toujours du vélo). Au col, j’étais tellement reconnaissant de vivre ce moment que j’ai bu une bière, je me suis couché sur un banc et j’étais tellement euphorique… je n’ai jamais fumé un joint mais je pense que c’est l’effet que ça fait! Avec en plus les endorphines, la satisfaction visuelle de la photographie… je me disais que j’avais une chance extraordinaire de vivre ces moments-là. Après une heure j’ai repris une bière et je me suis recouché pendant une heure!

Tu viens de partager une anecdote, est-ce que tu en as d’autres qui te viennent à l’esprit?

J’en parle dans le livre, où chaque chapitre contient un récit descriptif ainsi qu’une anecdote personnelle. Parmi les anecdotes positives, il y a de belles rencontres. Par exemple, j’ai grimpé le San Bernardino avec un gars en vélo électrique qui m’a ensuite invité pour une pizza. Côté négatif, je citerai le vol de mon vélo au Ventoux que je raconte dans le livre, ainsi que les problèmes avec les chiens de berger. A deux ou trois reprises, j’ai dû faire demi-tour.

Au plan physique, comment ça s’est passé?

Avant mon voyage, je suivais un entraînement structuré et j’étais très discipliné. Sauf que j’ai arrêté trois mois avant car je devais rendre mon travail de master. Je ne faisais plus que 2-3 heures de sport par semaine, comparé aux 10-15 heures que je faisais avant. Je suis donc arrivé reposé au départ du voyage, mais sans entraînement qualitatif. Heureusement, mes 10 ans de sport m’avaient donné un bon physique de base. 

Lors du voyage, je suis tombé malade après deux semaines mais c’était juste un petit rhume. Je n’ai eu aucune douleur, je m’imposais un jour de repos par semaine pour récupérer. Une fois, en France, j’ai enchaîné 10 jours avec 1200km et 30’000 mètres de dénivelé sur mon vélo de 20 kilos. J’avais mal partout, les tendons crissaient un peu et surtout, ma fatigue impactait ma créativité. C’était ça le plus dur, j’avais moins envie de faire des photos. La pluie? Ce n’était pas si dur, les étapes étaient plus courtes et cela me poussait à composer des images différentes, plus dramatiques.

Une madeleine d'anniversaire au col éponyme

Qu’est-ce que tu aimerais ajouter en conclusion?

Je veux donner aux gens l’envie de pratiquer une activité sportive, quelle qu’elle soit. Je suis persuadé que le sport a des effets tellement bénéfiques sur le plan physique et mental, sur le développement de la confiance en soi. Je veux donner aux gens l’envie de découvrir les régions alpines, un cadre extraordinaire – même en vélo électrique! Chaque livre vendu représente ma passion transmise à quelqu’un d’autre. Mon message: faites du sport!

Cette interview vous a donné envie de découvrir le livre de Nicolas Richoz? Vous pouvez le commander sur son site www.lesalpesavelo.com et le recevoir par la poste avec une dédicace de l’auteur.

Et jusqu’au 12 décembre 2021, vous pouvez tenter votre chance pour gagner un livre offert et dédicacé par Nicolas. Il vous suffit de remplir le formulaire ci-dessous. Le vainqueur sera tiré au sort parmi les bonnes réponses.

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