Le cyclisme au féminin: un peu d’histoire et d’anatomie

Dans une série de 4 articles, Sébastien Talabardon, physiothérapeute et osthéopathe chez Physio Bike à Lausanne, nous plonge dans le monde du cyclisme féminin. Avec lui, nous apprenons comment l’ajustement des équipements et des conseils spécifiques peuvent transformer la pratique du vélo pour les femmes. Retrouvez tous les articles ici: https://www.cycliste.ch/cyclisme-au-feminin/

L’histoire du cyclisme féminin s’apparente à bien d’autres sports où les femmes ont dû défier les préjugés et briser des barrières pour s’affirmer en tant que sportives.

Au XIXe siècle, les femmes ont défié les préjugés de l’époque pour se lancer dans le monde du cyclisme naissant. L’expression « La Petite Reine » qui symbolise aujourd’hui ce sport trouve ses racines dans trois événements marquants.

Tout d’abord, en 1890, le journaliste passionné de sport Pierre Giffard rédige un article majeur intitulé « La Reine Bicyclette » dans le supplément littéraire du Figaro, exposant l’histoire et l’esthétique du vélocipède.

Ensuite, en 1895, le poète Edmond Haraucourt utilise pour la première fois l’expression « Petite Reine à deux roues » pour décrire sa compagne cycliste, alors qu’ils parcourent ensemble les routes de France. Cette inspiration poétique se concrétise dans un poème intitulé « Le Cycle ».

Enfin, la Néerlandaise Wilhelmine d’Orange-Nassau, devenue reine à l’âge de dix ans en 1890, joue un rôle clé en contribuant à la promotion du vélo. Lors de son séjour diplomatique à Paris en 1898, elle éblouit les journalistes en sillonnant les rues de la capitale française à vélo. C’est à ce moment que la presse lui attribue affectueusement le surnom de « La Petite Reine ».

La bicyclette, instrument d’émancipation des femmes au 19ème siècle

Les journaux français reprennent rapidement cette expression pour relater la visite de cette jeune reine à bicyclette à Paris, propageant ainsi ce surnom qui continue de caractériser le cyclisme féminin et l’histoire du vélo en général.

Des femmes et des exploits

En 1895, Annie Cohen Kopchovsky, une féministe audacieuse, entreprenait un voyage exceptionnel outre-Atlantique. Elle devint la première femme à accomplir un tour du monde à vélo, un périple visant à démontrer que les femmes étaient tout aussi capables, courageuses et méritantes que les hommes. Son pari fut gagné avec brio : sous le nom d’Annie Londonderry, d’après l’entreprise qui la sponsorisait, elle boucla son incroyable épopée de près de 15’000 km en quinze mois.

Le XXe siècle a vu émerger des icônes telles qu’Alfonsina Strada, qui brava les conventions en participant au Giro d’Italia en 1924. Elle boucla les 3’610 km de cette prestigieuse course par étapes. À ce jour, Alfonsina Strada reste la seule femme à avoir pris part à l’un des trois Grands Tours masculins.

En 1984, l’introduction du cyclisme féminin aux Jeux olympiques marqua un tournant décisif, offrant une tribune mondiale à championnes comme Jeannie Longo et Connie Carpenter. Aujourd’hui, avec des athlètes telles que Demi Vollering, Marianne Vos et Pauline Ferrand-Prévot, le cyclisme féminin connaît une croissance phénoménale, inspirant de nombreuses jeunes filles et femmes à pédaler vers de nouveaux sommets.

Connie Carpenter, première championne olympique sur route en 1984

Les femmes sont dans la course

Le cyclisme féminin connaît une progression remarquable. Une tendance à la hausse est observée dans la participation des femmes aux compétitions et leur adhésion aux clubs cyclistes. Cette dynamique est mise en lumière par le retour emblématique du Tour de France féminin en 2022.
L’engouement pour les événements cyclistes féminins est en croissance, et la quête d’informations sur ce segment du sport suit une trajectoire ascendante. Cela témoigne d’une évolution positive dans la perception et l’engagement dans ce domaine.

Des initiatives comme la campagne « fastHER, smartHER, strongHER » de Swiss Olympic visent à améliorer durablement la condition des athlètes d’élite féminines. Pour celles désireuses de découvrir le cyclisme accompagné, #fastandfemaleSUI, un programme de promotion de Swiss Cycling, et « 100% Women » de Suisse Tourisme, facilitent la transition de l’envie à la pratique. Ces efforts contribuent à créer un environnement cycliste plus inclusif et diversifié.

L’impact de la morphologie

La récente transformation du cyclisme a été grandement influencée par la prise en compte des caractéristiques anatomiques féminines, un progrès bénéfique pour tous les cyclistes, sans distinction de genre. Cette évolution a souligné l’importance de la personnalisation et de l’amélioration ergonomique des équipements de cyclisme.

Il existe en effet des différences anatomiques significatives entre hommes et femmes, telles qu’un bassin plus large et un buste plus court chez les femmes, des aspects souvent négligés dans la conception traditionnelle des équipements cyclistes. Cette prise de conscience a mené à une diversification des offres en selles, cadres et guidons, améliorant ainsi le confort et l’ergonomie pour un plus grand nombre de cyclistes, y compris certains hommes.

Des marques comme Liv Cycling et Scott Contessa se sont spécialement concentrées sur les besoins des femmes, proposant des designs et des coloris adaptés. D’autres, comme Trek et Specialized, ont élargi leur gamme avec des tailles et des géométries mixtes. Cependant, ces grandes marques tendent parfois à standardiser les accessoires en fonction du modèle de cadre, ce qui peut limiter la personnalisation et nécessiter des changements ultérieurs d’accessoires.

En revanche, les artisans vélocistes proposent des montages à la carte, offrant une individualisation plus approfondie. Lors de l’achat d’un vélo, neuf ou d’occasion, il est crucial de s’entourer de spécialistes pour identifier vos besoins en fonction de vos objectifs, de votre morphologie et de vos préférences motrices.

En définitive, la pris en compte de la morphologie des femmes dans le cyclisme a enrichi l’expérience pour tous, offrant une gamme d’équipements adaptée et variée.

Sébastien Talabardon

Sébastien Talabardon, ancien cycliste professionnel, a participé au Tour de France en 2001 et au Tour d’Espagne en 2002. Après sa carrière sportive, il s’est reconverti en physiothérapeute et ostéopathe, diplômé en France. Il exerce aujourd’hui chez Physio Bike à Lausanne (Centre Medbase Lausanne Malley), se spécialisant dans le suivi des cyclistes et triathlètes. Avec son associé Benjamin Coty, ils offrent des services dédiés à la santé et la performance des sportifs. Pour suivre Sébastien, connectez-vous sur son profil LinkedIn. Pour prendre rendez-vous pour une séance de physiothérapie ou une étude posturale, cliquez respectivement ici pour physio et ici pour étude posturale. Découvrez ses articles et conseils ici.