SUCH 22 : Quand faut y’aller …

Deuxième partie du récit d’Adrien sur le Swiss Ultracycling Challenge 2022. Pour la première partie, cliquez ici.

… Quand soudain, le lendemain matin, mon fidèle partenaire à grandes oreilles n’eut pas l’envie de quitter son lit. Malheureusement pour Scotty – ma mascotte et confident pour moments difficiles -, il était temps de rejoindre Hospenthal et sa charmante gare. Gare sur laquelle une bonne quarantaine de SUCHeurs avaient jeté leur dévolu. Une ambiance de Grand Départ du Tour de France, où seuls les hélicoptères France Télévision et la présentation du château-tour de Hospenthal datant du XIIIe siècle par Jean-Paul Ollivier manquaient à l’appel.

10h10, départ en direction de la frontière tessinoise, puis redescente à Altdorf sans oublier de pointer au CP de Göschenen. Au fait de mes faiblesses stomacales 🤢 lors de transport en bateau, j’opte pour la charmante rive ouest du Lac des Quatre Cantons. Plaisante jusqu’à Bauen, elle ressemble davantage à un chemin de chèvre sur le kilomètre et demi et 350 D+ de pseudo-escaliers suivants. Remonté sur la selle, l’effort est amplement récompensé à la vue du Seelisbergsee.

CP de Beckenried validé, un aller-retour par Nidwald, puis traversée de Lucerne en compagnie de Dominik B. (cap #1), futur vainqueur de l’épreuve. Continuant mon tour de lac, je pointe le CP de Gersau et file à Schwytz. Là, direction Pfäffikon en crochetant Zoug au passage … enfin, “ne t’enflamme pas trop vite Thuillard” doit penser Scotty à ce moment. On y reviendra.

La promesse faite à ma Maman de ne pas rouler (trop) de nuit lors de mon premier ultra me fait réserver un hôtel à Coire. 80 km et la première journée sera bouclée.

Au crépuscule, longer le Walensee aura été la plus belle image que m’a donnée cette SUCH. La nuit tombant, le vent de face s’accentue et un début de pluie m’incite à choisir une stratégie qui s’avérera gagnante : passer la playlist Spotify officielle de Michel Sardou. Peu de gens peuvent s’enorgueillir d’avoir chanté – du moins sobre – Afrique Adieu dans les rues de Sargans. En course, qui plus est dans un ultra, il faut faire fi de toute dignité.

Arrivé à l’hôtel et restauré, Scotty entame un débriefing. Il est catégorique. Tel un percepteur fiscal, nous avons longé Zoug sans y pénétrer. Selon lui, tout c’est joué pour 500 mètres. Le bougre a raison. Qu’à cela ne tienne ! on retrace la fin du parcours pour y intégrer ce canton. Après une douzaine d’heures de selle, c’est la définition même de l’espoir.

Au petit matin du jour II, les grenouilles sont en joie. La veste de pluie et les couvres-chaussures apparaissent. Arrivé à Valbella, la micro-descente en direction de Lenzerheide vient glacer le peu de chaleur restant en moi. Là, le Kaffee Bäckerei Aurora se dresse devant moi et m’attire dans son a(n)tre. Une Tomatensuppe me réchauffe. Voyant la Team #103 à quelques hectomètres de là, je leur communique que cette bonne adresse les attend. Après une heure et demie* sans bouger, il est temps de repartir tout en profitant du transport-bonus non-utilisé la veille. CP Tgantieni validé, direction Bad Ragaz pour rejoindre la piste cyclable longeant le Rhin. Vent de face. Plutôt rare au vu de la courbure des brins d’herbe en bordure de chemin. Et là, c’est long ; 36 bornes sans le moindre abri. Vivement le moment de virer à gauche.

La montée sur les deux Appenzell est raide. Les paysages environnants, splendides, font oublier les 14% affichés au compteur. Deuxième coup de cœur de mon périple.

Une partie à tendance descendante et une euphorie retrouvées me donnent les jambes de Stefan King Küng. Peut-être que le secret est l’air de Frauenfeld et mon arrivée sur son terrain d’entraînement. Je pousse jusqu’à Eglisau en prenant le soin de valider Schaffhouse grâce à son enclave la plus méridionale. Fin d’une journée galère.

Jour III, départ pour les deux Bâle avec, en guise de petit-déj’, le passage le moins aguichant du parcours. Le fort vent de face, lui, perdure. Une pause-Pronto en entraînant une autre, la rencontre fortuite avec Dimitri E. (gapette #35) à Möhlin permet de faire un brin de causette avec un type aussi déglingo que moi. Voire plus. Lui est inscrit au Marathon de la Jungfrau le lendemain. Il y participera aux côtés de sa Maman pour son anniversaire.

Après Bâle-ville, Soleure, puis le retour en territoire francophone via Delémont, Moutier, Tavannes et Sonceboz. De là, il n’y a plus d’abri pour remonter le Vallon de Saint-Imier jusqu’à la ville du même nom. Au vent de face, s’ajoute des nuages d’un noir annonçant une forte humidité soudaine. Ça ne manque pas. Un rapide arrêt pour ressortir le paquetage de pluie et c’est reparti. Quand soudain, qui vois-je au pied du Mont-Soleil ? Notre duo Svenja et Bastian. Somme toute d’excellents compagnons pour grimper au CP de Mont-(pas de)Soleil.

Redescente et remontée sur Les Pontins pour atteindre le canton de Neuchâtel par Les Bugnenets. La descente glaciale jusqu’au Val-de-Ruz fait surgir un point sur mon genou gauche. L’euphorie de retrouver des routes que je connais camoufle une douleur que j’espère passagère.

Le règlement prohibant tout dodo / ravito à son domicile, c’est à l’hôtel de mon village que je passe la nuit. Bon, ok … il est vrai que, passant devant la maison, je fais une halte pour un free hug avec mes chèvres – les câlins caprins ne sont pas explicitement interdits – et un léger détour pour un bec à ma Maman, invitée à souper chez des amis.

Malheureusement, la nuit n’apaise pas le point à mon genou. Pire, c’est chaud et enflé ; pas bon signe. Je tente de partir tranquille en espérant une amélioration une fois cette capricieuse articulation chaude.

Le redoutable Col de Chabrey (environ 650 mètres à 3.5% de moyenne) accouche d’un verdict limpide. Rejoindre Genève, vent de face et sur une pédale et demie est purement inimaginable. Un virage à gauche en direction de Sugiez m’offre un canton supplémentaire, une gare et un pas-de-porte d’un couple d’amis. Un 478ieme café, une caresse à Cooky 🐕 et une bonne rigolade avant de notifier mon DNF aux organisateurs. Comble de l’histoire, c’est sur les 4km du trajet entre la gare de Neuchâtel et mon lit que je fais ma première turbosieste.

L’aventure fut magnifique du début à la fin. Les rencontres et échanges avec les participants incroyables. Une expérience gravée à jamais. C’est sûr, je signe de suite pour l’édition 2023. Cette fois-ci, ma Maman ne m’entendra pas lui promettre de dormir à l’hôtel.

*Ahhh les Welsch. Toujours rigole, jamais travail.

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Adrien Thuillard

Neuchâtelois dans le cœur autant que dans l’accent, Adrien sillonne les routes asphaltées et les chemins caillouteux à longueur d’année. Pas du tout axé compétition, il optera plutôt pour une sortie mêlant harmonieusement rigolades, routes paisibles, paysages bucoliques et – surtout – chèvres, ânes, moutons et compagnie ! Ne vous étonnez donc pas de rencontrer beaucoup de bêtes à poil en parcourant ses itinéraires.

Il saura vous persuader que la région Jura 3 Lacs regorge de tracés valant le détour, de succulents produits du terroir et, parfois, de fontaines « féeriques » … N’hésitez pas à lui faire signe sur Instagram lors de votre passage dans les environs ; il se fera un plaisir de vous conseiller, voire de vous accompagner pour un bout de balade.