Ces dernières années, le vélo a connu un essor incroyable en Suisse romande et ailleurs. Le nombre de pratiquants a explosé, une tendance encore amplifiée par le covid qui a mis en selle une population stressée et avide d’espaces naturels à l’écart des foules.
En 2020, plus de 400’000 vélos ont été vendus en Suisse et même si les vélos électriques représentent aujourd’hui plus de 40% du marché, les ventes de vélo “classique” ont progressé pour la première fois depuis 2009 (source: rts.ch)
A cycliste.ch, nous sommes les témoins privilégiés de cette évolution: le trafic sur le site a plus que doublé entre 2018 et 2021 (de 174’000 pages vues/an à 343’000 l’an dernier, soit près de 1’000 par jour). Et si nous serions tentés de mettre cette croissance sur le compte de nos efforts pour vous proposer toujours plus de contenu de qualité avec notre team de contributeurs locaux, nous profitons bien évidemment de la popularité croissante du vélo en Romandie. Et de la fidélité de la communauté cycliste.ch !
Un calendrier en plein essor
Un autre secteur où le boom du vélo s’est fait sentir: les événements de masse. Alors que le calendrier des courses réservées aux coureurs licenciés s’est rétréci comme une peau de chagrin, les cyclosportives, randonnées et autres granfondos ont connu un essor sans précédent. Sur le site, le calendrier propose pas moins d’une soixantaine d’événements en Suisse romande et dans les régions limitrophes en 2022! Il n’est pas loin le temps où je n’avais guère que le Cyclotour du Léman, la Rominger Classic et la Pascal Richard (rebaptisée plus tard Gruyère Cycling Tour) pour mettre un dossard dans nos contrées.
Aujourd’hui, les pratiquants ont l’embarras du choix avec un ou plusieurs événements quasiment chaque week end du 15 mai au 15 septembre! Cette croissance est réjouissante pour la communauté cycliste romande, qui en profite bien. Mais est-elle soutenable? La courbe du calendrier suit-elle celle des pratiquants?
Des signes d’essoufflement
Nous ne disposons pas de chiffres définitifs à ce sujet mais des signes s’accumulent pour indiquer que l’offre pourrait dépasser la demande. Il y a quelques semaines, le Gravel Epic Switzerland 2022 a été annulé. Dans leur communiqué, les organisateurs indiquent que “l’innovation et la demande peuvent être lentes à se rencontrer”. Une formule diplomatique pour dire que la participation n’est tout simplement pas à la hauteur des attentes.
Avec la Cyclosportive des Vins du Valais, c’est aussi une classique du calendrier romand qui disparaît du calendrier malgré le peloton imposant qu’elle a su rassembler dans le passé (voir la photo de titre). Steve Morabito, président de la Fédération Cycliste Valaisanne, en explique les raisons sur Canal 9:
Et il y en a d’autres, parmi lesquelles l’Etape Switzerland, version franchisée helvétique de l’Etape du Tour qui disparaît après seulement 2 éditions entre Berne et Interlaken. Quant aux nombreux événements confirmés pour cette année, il est encore trop tôt pour se prononcer mais il y a des signes que la participation s’essouffle pour certains d’entre eux.
Les causes
Comment analyser ces faits et chiffres? Tout d’abord, l’essor du vélo n’entraîne pas nécessairement une croissance parallèle en termes de participation aux événements. La pratique se diversifie et de nombreux cyclistes assouvissent leur passion sans mettre un dossard. Seul ou entre amis, sur route ou en gravel, voire en mode bikepacking.
Et les changements dans nos modes de vie causés par le covid viennent amplifier le phénomène. Nicolas Garcera, organisateur de la Lapierre GF Mont Ventoux (3’000 participants), écrivait récemment sur sa page Facebook: “Depuis deux ans les modes de vie ont changé, il va falloir redonner une impulsion positive pour que les gens reprennent du plaisir à sortir et voir du monde.”
Il y a aussi une constante: le fait qu’on participe à un événement une fois, deux fois, peut-être trois mais pas dix. Donc à moins d’atteindre une taille critique et de pouvoir compter sur une communauté de fidèles importante (pensons au Cyclotour du Léman, voire au Tour des Stations), les courses peinent à renouveler leur peloton et risquent de voir leur participation s’essouffler. Ce n’est pas facile de trouver chaque année de nouveaux inscrits pour remplacer ceux qui vont voir ailleurs, même quand le nombre des pratiquants explose.
Crise ou correction?
Bref, le calendrier des événements cyclistes est-il en crise? Je ne le pense pas. Nous assistons probablement à une certaine correction du marché, après quelques années qui ont vu les initiatives se multiplier pour exploiter le boom de la pratique. Certaines ont du succès, d’autres pas. Des événements restent et prospèrent, d’autres disparaissent et de nouvelles initiatives continuent de voir le jour.
La concurrence est saine et elle pousse les organisateurs à proposer une expérience qui correspond aux attentes d’un public qui évolue. De nouvelles tendances apparaissent: le gravel bien sûr, mais aussi une recherche de convivialité. Les participants veulent se battre contre le chronomètre, mais pas que. Ils veulent passer un bon moment avant, pendant et après la course avec leurs amis. Ainsi, certains événements proposent des secteurs chronométrés entrecoupés de parcours de liaison avec des stands de ravitaillement qui offrent de savoureux produits locaux comme la Nova Eroica Switzerland ou le Gstaad Road Bike Summit.
Aujourd’hui, il y en a pour tout le monde dans le calendrier et c’est tant mieux. Et il y a encore de bonnes nouvelles à venir dont nous espérons pouvoir parler bientôt. En tout cas, nous continuerons de célébrer les initiatives des organisateurs et à les relayer auprès de la communauté cycliste.ch, même si toutes ne durent pas. Vive le vélo!
Alain Rumpf
Cycliste passionné depuis plus de 35 ans, Alain Rumpf est bien connu sur les réseaux sociaux grâce à son compte « A Swiss with a Pulse » qui compte plus de 12’000 followers.
Dans une précédente vie, il a été coureur cycliste Elite et a travaillé 20 ans pour l’Union Cycliste Internationale. En 2014, il décide de quitter le confort d’un bureau pour devenir guide, photographe, rédacteur et consultant. Il collabore avec Suisse Tourisme, Haute Route, Scott, Velocio, Alpes vaudoises, komoot, Vélo Magazine, Julbo et bien d’autres. Il dirige le site Switchback, un guide du vélo de route et du gravel dans les Alpes et au-delà. Découvrez ses projets sur son site www.aswisswithapulse.com et tous ses articles sur cycliste.ch.