Comment ne pas faire le Cyclotour du Léman

Un gilet trop grand, le casque de travers et un rictus qui exprime à la fois une volonté de fer et une peur bleue: Lillie était comme beaucoup de nouveaux venus au Cyclotour du Léman lors de sa première participation en 2008.

Dans cet article, elle nous raconte toutes ses erreurs pour que tu puisses les éviter! Elle nous fait surtout réfléchir sur la manière dont nous accueillons les débutants dans la communauté cycliste.

Je suis arrivée en Suisse au printemps 2008. J’habitais près de Rolle et je voyais tous les jours cette belle masse d’eau qu’est le lac Léman. C’était à la fois inspirant et intimidant. Depuis les hauteurs de Rolle, il était impossible de voir où le lac se terminait de chaque côté, mais l’aventurière en moi était impatiente d’explorer tout ce que ce majestueux lac avait à offrir.

Comme tout nouvel arrivant dans la région, j’étais à la recherche de choses amusantes à faire avec des personnes partageant le même état d’esprit. Et en tant que cycliste, l’idée de faire le tour du lac Léman était très attrayante. C’est alors que j’ai vu une annonce pour le Cyclotour: je me suis empressée de m’inscrire. Le seul problème, c’est que mon vélo était encore en transit avec le reste de mes affaires depuis l’Angleterre… Mon vélo est finalement arrivé, mais je n’avais alors plus que deux semaines pour m’entraîner.

C’est là que mon expérience naïve et trop optimiste de Californienne s’est heurtée à la réalité suisse. Bien sûr, les cyclos aux USA étaient pleines de cyclistes compétitifs. Mais il y avait aussi beaucoup de gens comme moi qui étaient simplement là pour le défi et la camaraderie.

En Californie, j’avais participé à plusieurs “centuries” (100 miles, soit 160 kilomètres) et je n’avais gardé que de bons souvenirs des groupes de mon niveau, des nombreux arrêts de ravitaillement et des nouveaux amis. Je n’étais donc pas trop préoccupée par ma forme physique. Je me suis dite que je trouverais facilement un groupe, que je m’accrocherais à leur roue et que je profiterais d’une belle journée de vélo. J’avais appris à rouler dans un grand club cycliste de San Diego et j’étais à l’aise pour rouler en groupe.

Mais je n’étais pas du tout préparée à ce qui allait se passer ce jour-là… Jugez-en par ce récit.

J’arrive à vélo et, quelques minutes avant le départ… je crève. Mince. Mais j’ai 2 chambres à air avec moi et tous les outils dont j’ai besoin, donc je ne suis pas trop mal lotie. Pourtant, je suis surprise que personne ne s’arrête pour m’aider. En Californie, une jeune femme en détresse ne serait JAMAIS laissée seule. Je me retrouve donc en train de paniquer en regardant des centaines de personnes partir. Oh my god je vais rater tous les pelotons ! (imagine cette phrase prononcée avec mon accent américain).

Dans ma précipitation, alors que je gonfle la nouvelle chambre à air, je dévisse la valve et “pop”, elle s’envole. NOOOOOON. Frustrée, je manque de jeter mon vélo par terre, sachant que je dois tout recommencer. Vite, concentre-toi, change la chambre à air, Lillie. Heureusement que tu as encore une de rechange !

Enfin, je me sors de cette galère et j’arrive à la ligne de départ pour voir que presque tout le monde est parti. Eh bien, ça va être une LONGUE journée sur le vélo. Mais bon. Au moins, je vais découvrir la partie du lac que je n’avais pas encore vue.

Alors que je longe le lac entre Lutry et Vevey, plusieurs grands groupes me dépassent. Bon, il est encore possible de suivre un groupe. Ouf ! Je sprinte et je recolle à l’arrière d’un groupe d’une vingtaine de cyclistes. Mon rythme cardiaque baisse lentement et je réalise que je peux tenir leur vitesse sans problème. Je suis sauvée.

C’est alors que survient le deuxième choc, bien pire encore. D’une manière ou d’une autre, certains dans ce groupe s’offusquent que je les suive et ils essaient de me lâcher. WTF ? Finalement, un gars se mouche ostensiblement juste devant moi et je me laisse décrocher avec dégoût. Bon, je crois que je suis à nouveau toute seule. Plus que 160 km à parcourir…

Ma première vue du Chablais, où j'habite aujourd'hui

Finalement, j’atteins le bout du lac à Villeneuve et j’arrive près du ravito de Saint-Gingolph. Je suis super contente d’être près de la frontière française et j’ai l’impression d’avoir bien travaillé jusqu’à maintenant. J’ai avec moi ce qu’il faut pour les problèmes mécaniques et les variations de température au cours de la journée mais j’ai seulement un minimum de nourriture. Car c’est l’une des raisons pour lesquelles je participe à une cyclosportive… les ravitos.

Troisième choc de la journée…il n’y a plus rien !!! Ou presque: j’ai le choix entre des morceaux de sucre et des tranches d’orange. Ni l’un ni l’autre ne me semblent vraiment attrayants et j’engloutis la dernière barre énergétique que j’ai dans ma poche. Ok, où est le prochain ravito? Evian, me dit-on. OK, il ne me reste plus qu’à me rendre à Evian. Plus que 20 km. Je peux le faire !

Evian est passé, et je n’ai pas vu de stand de ravitaillement. Je passe ensuite Thonon, et toujours pas de ravito. Ma vitesse baisse et il y a maintenant de moins en moins de participants en vue sur mon voyage sans fin autour du lac. Où est donc ce p… de ravito ? Virage après virage, j’espère à chaque fois voir un stand, mais en vain. Je craque. Je m’arrête sur le bord de la route et je me mets presque à pleurer de désespoir. Une autre cycliste me voit et s’arrête. “As-tu besoin d’aide ?” “Oui… as-tu quelque chose à manger?”

Elle me tend un biscuit et me dit qu’elle pense que nous sommes proches du point de ravitaillement. Je remonte donc sur mon vélo et l’accompagne jusqu’au prochain virage. Victoire !!!

Il y a beaucoup de nourriture, du pain et du fromage, des saucisses en tranches, des noix et des fruits. Je suis aux anges. Cette halte alimentaire est géniale. J’avale tout ce que je peux et je commence enfin à me sentir normale. Il y a environ 10 autres cyclistes, mais je n’en vois pas beaucoup d’autres arriver derrière moi. Mais il y a… la voiture-balai !

NOOOOON. 4ème choc de la journée. Je ne me suis jamais retrouvée devant la voiture balai. C’est l’un de mes pires jours sur le vélo. Au moins, les autres participants sont tous sympathiques et 6 d’entre nous décidons de créer un petit groupe pour continuer.

Après environ 30 minutes sur le vélo, je me rends compte que je n’arrive pas à me remettre de ma fringale… Mon objectif est maintenant d’arriver à Genève. Un autre cycliste, qui deviendra bientôt l’un de mes meilleurs amis, me dit que lui aussi en a assez. Genève arrive enfin et nous décidons d’arrêter. Après 120 km, mon nouvel ami Kevin et moi montons dans la voiture-balai et apprenons à nous connaître pendant 4 heures, alors que le bus nous conduit lentement vers l’arrivée, derrière les derniers participants.

Voilà pour mes mésaventures de débutante en Suisse. Entendons-nous bien: je ne blâme pas le Cyclotour pour ma mauvaise expérience. Mais je blâme ma propre naïveté quant au niveau des cyclos en Suisse et à la difficulté de se faire des amis dans ce nouveau pays.

D’ailleurs, j’étais impatiente de refaire le Cyclotour. Et un an plus tard, Kevin et moi, plus en forme et mieux informés, avons rallié l’arrivée. Et l’année suivante aussi.

J’ai beaucoup appris de mes échecs ce jour-là et je partage avec vous mon expérience, afin que vous aussi ne soyez pas vaincus par ce qui est, sans conteste, un challenge épique.

Réd: cet article parle d’un événement qui s’est déroulé il y a quinze ans. Depuis, les mentalités ont évolué et on peut dire que, de manière générale, la communauté cycliste est moins élitiste qu’elle ne l’était. Cependant, du chemin reste à faire pour que les débutant(e)s se sentent bien accueillis par tous et par toutes, et cela en tout temps. Gardons cela à l’esprit!

Et si tu veux faire le Cyclotour dans un groupe sympathique, Lillie sera à la tête d’un peloton spécial cette année. Tous les détails sont ici. 

Lillie Rumpf – Cycling Heidi

Lorsque Lillie est arrivée de la Californie du Sud en Suisse romande en 2008, elle a vécu un choc culturel. L’époque des sorties “fun” était révolue. Les Suisses prenaient leur sport au sérieux. Bien trop au sérieux. Sentant que cette attitude n’était pas de nature à encourager les débutants dans le monde du vélo, elle a décidé d’apporter un peu de fun californien.

Comme guide Swiss Cycling, elle organise des sorties pour les femmes et les débutants en Suisse romande. Ses balades comprennent toujours une part d’aventure, un peu de coaching et, pour finir, des « burgers and beer ». En plus elle offre des cours technique pour aider les femmes à prendre plus de confiance à vélo. Pour plus d’info voir ici.

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