Dans un article précédent, Lucas nous a partagé du charme discret des cyclos françaises au travers de son expérience sur La Vache Qui Rit. Pour ma part, je me suis replongé en avril dans l’univers des granfondos italiens avec l’Etape Parma, dont j’avais reconnu le parcours quelques semaines plus tôt.
L’Etape Parma, c’est la version italienne de la célèbre Etape du Tour qui se décline désormais en une trentaine d’événements à travers le monde. Et même si le cahier des charges que les organisateurs doivent suivre est là pour que les participants retrouvent une même identité visuelle, un certain format de parcours et des standards de sécurité identiques sur toutes les courses, celles-ci restent le reflet de la culture cycliste dans leur pays.
Et en Italie, cette culture est profondément ancrée dans la tradition: l’histoire du cyclisme italien est riche, avec des événements plus que centenaires comme le Giro, Milano-Sanremo et le Tour de Lombardie. Les champions transalpins font aussi vibrer leurs compatriotes depuis toujours: Binda, Coppi, Bartali, Gimondi, Moser, Pantani, Nibali…
Cette tradition était bien présente sur l’Etape Parma: dans le village départ-arrivée avec de splendides pièces de collection sur les superbes stands vintage et, avec mon pote Luca (sans s), nous avons croisé des cyclistes tout droit sortis des années héroïques du cyclisme lors de la Cicloturistica la veille de la course.
Corollaire de cette forte tradition, l’Italie compte plus de 3’000 clubs et un calendrier d’événements populaires des plus fournis: à côté du Maratona dles Dolomites et de la Nove Colli, qui attirent chaque année autour de 10’000 participants, on recense près d’une centaine de granfondos, comme on appelle les cyclosportives en Italie.
Mais un granfondo italien se distingue d’une cyclo en France ou par chez nous. Mon expérience sur l’Etape Parma me l’a rappelé, et ce dès avant le départ. Sur la ligne, tout le monde a l’air pro et tu te demandes ce que tu fais là. Vélos haut de gamme, tenues aero couvertes de sponsors, jambes affutées, rasées et huilées… ce n’est pas que dans les rues de Milan que les Italiens ont du style. Même si je connaissais ce sentiment pour avoir participé plusieurs fois à la Maratona dles Dolomites, je n’ai pas pu éviter ce moment d’angoisse d’être largué dès les premiers hectomètres et de passer la journée devant le camion-balai.
Et oui, c’est parti fort. Cela faisait longtemps que je n’avais pas roulé à plus de 40 km/h de moyenne pendant la première demi-heure d’une course et j’ai eu besoin d’un petit moment pour retrouver les bons réflexes. Mais tout s’est bien passé. La route était large et sans obstacle (excellent choix des organisateurs) et les cyclos italiens n’ont pas de pro que le look: ils savent rouler et on peut rester dans les roues sans craindre des écarts intempestifs.
En parlant de pro, il faut savoir que les granfondos attirent des coureurs de très haut niveau: typiquement, des jeunes qui ont manqué de justesse le passage en Conti Pro ou en WorldTour, ou des coureurs qui ne retrouvent pas de contrat et veulent continuer à courir. Il y a des équipes et les meilleures d’entre elles paient des salaires plus élevés que ce qu’un gregario (équipier) gagnerait dans une petite Conti Pro. Manuel Senni, vainqueur de l’Etape Parma, a participé 4 fois au Giro pour BMC et Bardiani-CSF avant qu’une blessure ne lui ferme les portes du peloton professionnel. Aujourd’hui, il écume les granfondos avec aussi une victoire à la Nove Colli cette année.
Lors de ma reco, j’avais prédit que le peloton exploserait dans la première petite bosse et c’est ce qui s’est passé. Un kilomètre bien raide suivi d’une partie de montagnes russes sur les crêtes qui marquent le passage entre la plaine du Pô et la chaîne des Appennins ont suffi pour séparer le bon grain (Manuel Senni et consort) de l’ivraie: moi et mes compagnons de galère, avec qui je vais batailler amicalement pour les 4 prochaines heures.
Pendant 90 kilomètres, les bosses s’enchaînent avec deux grosses difficultés: la longue montée vers Schia, suivie par une ascension jusque sur les hauteurs de Cozzano. C’est dans celle-ci que j’ai porté mon effort, car je croyais qu’il n’y avait plus que de la descente et du plat jusqu’à l’arrivée. J’ai réussi de justesse à accrocher un groupe en vue du sommet et je pensais pouvoir rentrer « au chaud » jusqu’à Parme.
Le parcours ne comportait effectivement plus de difficulté majeure mais c’était sans compter avec ma forme. Jusque là, une bonne tactique et des efforts ciblés m’avaient permis de faire illusion mais les maigres 3’000 kilomètres que j’avais accumulés sur le vélo depuis le début de l’année ont fini par montrer leurs limites. Mes relais se faisaient de plus en plus court, je sentais les crampes arriver et je m’accrochais pour rester dans mon groupe dès que la pente dépassait… 1%. Chaque kilomètre était une victoire qui me rapprochait de l’arrivée, un sentiment que nous avons tous éprouvé un jour ou l’autre!
La deuxième édition de l’Etape Parma aura lieu les 3 et 4 mai 2025. Les inscriptions sont ouvertes sur le site de l’événement et je ne peux que recommender d’y participer pour vivre l’expérience d’un granfondo italien destiné devenir une classique du calendrier cyclo au niveau européen.
La ville de Parme est de plus un bel endroit pour passer un week end (prolongé): c’est une ville à taille humaine, avec un centre historique charmant où le vélo est le mode de déplacement privilégié. On peut y rouler sur des routes tranquilles et l’on y mange molto, molto bene.
Alain
Alain Rumpf
Cycliste passionné depuis plus de 35 ans, Alain Rumpf est bien connu sur les réseaux sociaux grâce à son compte « A Swiss with a Pulse » qui compte plus de 13’000 followers.
Dans une précédente vie, il a été coureur cycliste Elite et a travaillé 20 ans pour l’Union Cycliste Internationale. En 2014, il décide de quitter le confort d’un bureau pour devenir guide, photographe, rédacteur et consultant. Il collabore avec Suisse Tourisme, Haute Route, Scott, Apidura, Alpes Vaudoises, komoot, Vélo Magazine, le Tour des Stations et bien d’autres. Il dirige le site Switchback, un guide du vélo de route et du gravel dans les Alpes et au-delà. Découvrez ses articles sur cycliste.ch.