On a un bien joli canton

Par une belle matinée du mois de juin, j’escalade le Col de l’Aiguillon au-dessus de Baulmes, dans le Nord Vaudois. A mes côtés, Valentyna et Luca. Ce dernier n’en croit pas ses yeux. “J’avais vaguement entendu parler de ce col mais je ne l’avais jamais fait. Cette petite route sans voitures, à l’ombre… quelle découverte!”

Il se tait pour reprendre son souffle car la pente est rude. Je savoure cet instant qui symbolise un projet qui a pris forme il y a quelques mois. 

Sur les pentes du Col de l'Aiguillon

C’est en novembre 2021 que tout a commencé. Mathieu Gavillet, responsable de la thématique “vélo” chez Vaud Promotion, m’a contacté pour un échange d’idées. Avec ses collègues, il était en train de mettre sur pied un programme autour de plusieurs événements prévus en 2022: parmi ceux-ci, la visite du Tour de France dans le canton de Vaud, les 20 ans du Centre Mondial du Cyclisme à Aigle et la première édition du Tour de Romandie féminin avec une étape Lausanne-Lausanne en ouverture. 

En décembre, c’est lors d’une conférence de presse au CMC que l’Année du Vélo a été lancée sous la direction de Corinne Rimet-Baume avec une série d’activités à travers le canton pour promouvoir le vélo sous toutes ses formes.

Dans les coulisses de Vaud Promotion, nous en étions encore largement au stade du brainstorming. L’enthousiasme régnait et de nombreux projets plus ou moins fous étaient évoqués.

Pour ma part, je me suis vite focalisé sur une idée qui me tenait à coeur: cela fait plus de 35 ans que je roule dans la région et je rêvais de créer une collection des meilleurs tours à vélo en terre vaudoise. Un best of, une célébration de tout ce que le canton offre aux cyclistes, qu’ils soient visiteurs occasionnels ou locaux. Des routes, mais aussi des paysages, une histoire, une culture. Un territoire.

A la découverte d'un territoire

Je le voyais comme un héritage laissé par l’Année du Vélo, qui viendrait compléter et prolonger les activités proposées tout au long de l’année 2022. Ce n’était pas le projet le plus spectaculaire et j’ai dû le défendre bec et ongles mais, au printemps, j’ai reçu le feu vert.

À la joie procurée par cette bonne nouvelle a succédé une certaine angoisse. C’est que le travail s’annonçait titanesque. Il a fallu tout d’abord faire une première liste de parcours qui s’adresserait à un grand nombre de cyclistes: des sportifs aux familles en passant par les bikepackers et les adeptes du gravel. Je tenais aussi à couvrir tout le canton, tout en limitant le nombre de boucles à une douzaine. Et finalement, je voulais m’appuyer autant que possible sur le réseau SuisseMobile, synonyme de routes à trafic modéré.

SuisseMobile: une source d'inspiration inépuisable pour les cyclistes

J’ai passé de longues heures sur mon écran à jouer avec tous ces paramètres. J’ai dû sacrifier de nombreuses idées: parcours trop longs ou trop durs, portions de routes trop fréquentées… Fin avril, je suis arrivé à une liste de 11 itinéraires créés sur komoot. Fin du job? Que nenni, il ne faisait que commencer.

En effet, j’ai d’abord tenu à faire tous les parcours à vélo, seul. Pour m’assurer de la qualité de l’expérience: trafic, revêtement, vues, difficulté, pause-café… Car rien, pas même la technologie la plus avancée, ne remplace (encore) le travail sur le terrain. C’est à ce moment-là que j’ai osé parler du projet sur cycliste.ch, car je commençais enfin à croire que le résultat serait à la hauteur de mes attentes.

Mi-mai, la phase la plus excitante du projet a débuté: shooter chaque parcours. Cela fut aussi, de loin, le plus difficile. Les paysages étaient-ils si moches? Bien sûr que non. Le challenge c’était de coordonner mon agenda avec celui de mes modèles… et la météo. Prendre les photos, c’est la partie émergée de l’iceberg.

Facile de prendre de belles photos dans un cadre pareil

J’ai shooté la plus grande partie des parcours, ceux qui s’adressent aux sportifs, avec Luca et Valentyna. Vous connaissez Luca, il apparaît sur la plupart de mes photos. Tous deux basés à Gryon, nous roulons ensemble depuis des années.

Pour ce projet, j’ai aussi fait appel à Valentyna: réfugiée ukrainienne, elle découvrait notre pays. Je suis heureux de lui avoir offert quelques moments de répit dans sa vie bouleversée par la guerre qui fait rage chez elle. De lui avoir offert une distraction lors de ces longues journées passées ensemble sur le vélo qui se déroulaient selon un rite bien précis: départ aux aurores (bien trop tôt pour Luca), innombrables arrêts photos, pause-café, nouveaux arrêts photos, derniers kilomètres en hypoglycémie. Vitesse moyenne avec les arrêts: 11 km/h dans les bons jours.

Ces journées resteront pour moi les meilleurs souvenirs de ce projet. Des moments simples d’amitié, de découverte et de partage. Seul regret: avec Valentyna, nous avons échoué dans notre tentative d’apprendre l’allemand à Luca. Lamentablement, même si nous avons beaucoup ri.

Ein Lächeln für das Bild, Luca

Pour les autres boucles, j’ai pu compter sur des modèles tout aussi compétents et joyeux: Céline et Patrick, Quentin et ses enfants, Karine et son équipe. Merci à toutes et à tous du fond de mon cœur, car travailler avec moi n’est pas facile. “Un peu plus à gauche”, “non, l’autre gauche”, “on la refait, il y avait une voiture”, “une autre, tu faisais une tête bizarre sur celle-là”, “cette fois c’est moi, je me suis planté dans mes réglages”: je suis très créatif pour trouver des raisons de faire des aller-retour devant ma caméra. Et je ne vous dis pas comment j’aboie quand je suis en hypo.

Prochaine étape: trier et traiter les 800 à 1300 photos prises sur chacun des itinéraires. Comme toujours j’ai largement sous-estimé cette étape et je ne compte pas les nuits écourtées que cela m’a causé. Mais au bout, enfin: la fierté de voir se matérialiser le projet sous la forme d’une galerie d’images qui racontent un parcours, un territoire, une journée passée sur le vélo.

Des images qui racontent une histoire

Dernière phase: rédiger un descriptif pour accompagner les photos ainsi que la carte et le profil sur komoot, un travail que j’ai terminé au mois d’août.

Assez parlé, voici le résultat: www.cycliste.ch/itineraires-velo-route/best-of-vaud/ . Que vous soyez routier, bikepacker, adepte du gravel ou cycliste occasionnel, j’espère que vous y trouverez votre compte. Pour ma part, j’ai eu un plaisir fou à mener ce projet à bien et je tiens à remercier mes modèles, Mathieu Gavillet et toute l’équipe de Vaud Promotion ainsi que Velocio pour leur soutien.

Comme dirait notre célèbre poète Gilles: on a un bien joli canton. C’est là que j’habite et que je roule, et j’en suis fier.

Le Chasseron: une vue qui se mérite
Alain Rumpf

Alain Rumpf

Cycliste passionné depuis plus de 35 ans, Alain Rumpf est bien connu sur les réseaux sociaux grâce à son compte « A Swiss with a Pulse » qui compte plus de 13’000 followers.

Dans une précédente vie, il a été coureur cycliste Elite et a travaillé 20 ans pour l’Union Cycliste Internationale. En 2014, il décide de quitter le confort d’un bureau pour devenir guide, photographe, rédacteur et consultant. Il collabore avec Suisse Tourisme, Haute Route, Scott, Apidura, Alpes Vaudoises, komoot, Vélo Magazine et bien d’autres. Il dirige le site Switchback, un guide du vélo de route et du gravel dans les Alpes et au-delà. Découvrez ses projets sur son site www.aswisswithapulse.com et tous ses articles sur cycliste.ch.