Un objectif effrayant

Oops, I did it again: je me suis inscrit à une course de bikepacking. Tout a commencé en fanfare en 2015, avec la Transcontinental Race. Par la suite, j’ai enchaîné avec le Torino-Nice Rally (2018), Dead Ends and Cake et la SUCH (2021) puis Dead Ends e Dolci ce printemps.

Cette fois, j’ai choisi de participer au Tour des Stations Ultimate: une boucle de 1000 kilomètres et 26’000m de dénivelé à travers les Alpes suisses, avec départ et arrivée dans le Val de Bagnes. Il s’agit d’un nouveau format, que cycliste.ch a présenté dans cet article. Le départ est fixé au 1er août à 15h.

Pourquoi ai-je jeté mon dévolu sur cet événement? Tout d’abord, je voulais me fixer un objectif effrayant pour me motiver à quitter mon écran et passer plus de temps sur mon vélo cet été. Et quoi de mieux qu’une course de 1000 kilomètres avec un dénivelé insensé pour cela?

Ensuite, j’ai flashé sur le parcours. La boucle dessinée par Manu Rudaz et l’équipe du Tour des Stations est un rêve pour tout cycliste qui aime grimper: elle propose pas moins de 25 montées réparties non seulement en Valais, le jardin du Tour des Stations, mais aussi dans les autres cantons alpins de la Suisse: Vaud, Berne, Uri, Grisons et Tessin. Rien que ça!

Suis-je prêt? J’avais des plans ambitieux pour me préparer, et je ne les ai pas tous mis à exécution. J’ai dû renoncer aux essais en soufflerie ainsi qu’au camp d’entraînement de 3 semaines à Teide, et mon vélo pèse plus de 5 kilos. 

Mais j’ai aussi fait des trucs super cool. A commencer par cette série de vidéos avec des experts romands sur le thème de “Comment préparer le Tour des Stations Ultimate”. J’y ai appris plein de choses. Le conseil le plus utile? Dans la vidéo consacrée à l’entraînement, j’ai demandé à Guillaume Bourgeois comment se préparer à grimper 26’000 mètres. Sa réponse: “il faut grimper”. 

J’ai fait de mon mieux pour appliquer ce principe. A la maison tout d’abord, en enchaînant les montées à bloc dans mes chères Alpes Vaudoises. Je voulais atteindre une FTP de 6 watts par kg et je n’y suis pas tout à fait arrivé, mais je pense que cela m’aidera quand même à avancer dans les cols sans trop “taper dedans”.

Sur Garmin Connect: évolution de ma FTP

Mais surtout, j’ai fait de magnifiques sorties d’entraînement que je n’aurais jamais faites sans cet objectif effrayant. Comme cette virée de 250km depuis chez moi, en suivant partiellement le parcours du Tour des Stations Ultimate 1000:

Ce que j’y ai appris:

  • le Gestelen Pass et la Grosse Scheidegg sont raides
  • il faut manger, manger, manger
  • si je dépasse le rythme que je m’étais fixé, je finis tôt ou tard par le payer au prix fort.

En juillet, j’ai roulé 3 jours dans les Alpes suisses, italiennes et françaises pour rejoindre Lille et Ben dans le sud. Un voyage magnifique que j’ai immortalisé en stories. Là aussi, j’ai tiré des leçons précieuses:

  • le sommeil est un truc vraiment utile pour continuer à avancer un tant soit peu sur un terrain aussi accidenté
  • je ne peux pas survivre en ne bouffant que des barres et des gels
  • l’été, il y a vraiment trop de bagnoles en pleine journée sur les grands cols routiers, plus jamais ça.

Le résultat: j’ai un bon petit diesel qui devrait me permettre d’arriver au bout de mon périple sans péter un joint de culasse. 

Courbe de puissance sur les derniers 3 mois

Pour la première fois de ma vie, j’ai aussi réussi à faire des exercices de renforcement musculaire de manière presque régulière. Grâce à la routine préparée par Benjamin Coty (voir ici la vidéo avec lui), j’ai des semblants d’abdos et mes ischios ne sont plus aussi tendus qu’une corde de piano. Cela devrait m’aider à rejoindre l’arrivée dans un confort relatif. 

En combien de temps? That’s the question. 

La nuit dernière, j’ai fait un rêve. Je suis arrivé à Thyon avec 2’ de retard sur le premier, je l’ai rattrapé dans la Forêt Verte (sur le grand plateau) et je l’ai largué dans la Croix de Coeur pour passer la ligne avec un wheelie à la clé.

Quand je me suis réveillé, je me suis rappelé que le road book annonce que les meilleurs sont attendus à l’arrivée après 2 jours et 15 heures. En gros, cela veut dire: faire des micro-siestes en route et maintenir une vitesse en mouvement d’environ 18 km/h.

Cette vitesse, je peux la tenir sur 15 ou 17 heures… peut-être. Mais ensuite, je vais me coucher. Et c’est précisément ce que je prévois de faire. Car outre son parcours, l’autre particularité du Tour des Stations Ultimate est constituée par les reboost stations: 8 endroits disséminés sur le parcours où l’on peut manger, se laver et se reposer. On peut même y faire déposer des affaires par l’organisateur: vêtements de rechange, ravito, ours en peluche.

Je compte faire bon usage de ces îlots de bien-être dans l’océan d’inconfort que représente une telle course. Sur cette base, j’estime que je suis capable de rejoindre l’arrivée en 4 jours, soit le samedi à 15h. Pour y parvenir, je devrai passer au moins 17h par jour en mouvement à une vitesse moyenne de 15km/h.

7 heures d’arrêt, c’est beaucoup? Avec 4 heures de sommeil et 3 heures pour me ravitailler, faire pipi et le temps supplémentaire passé dans les reboost stations, je pense que cela suffira tout juste. 15 km/h, c’est un peu lent? Avec  6500m de D+ quotidien pendant 4 jours, je crois que c’est déjà assez ambitieux… Surtout si l’on pense qu’il y aura encore plus de 9000m à grimper lorsqu’on arrivera au km 750 à Viège. Tout compte fait, je pense que je passerai la Forêt Verte à pied!

Cela me donnera une marge de 24 heures pour terminer dans les délais impartis par l’organisateur. Une marge qui pourrait s’avérer utile si les choses ne se passent pas comme prévu, ce qui est quasiment assuré sur ce type d’événement. A commencer par la météo: les prévisions ne cessent de changer mais il apparaît certain qu’il pleuvra à un moment ou à un autre. Et si je me trouve au pied du Susten à minuit à ce moment-là, il n’est pas sûr que je pousse coûte que coûte jusqu’à Andermatt… Comme l’a dit Mike Tyson: “on a tous un plan jusqu’à ce qu’on prenne un direct du droit dans la tronche.” Ou quelque chose comme ça.

Quoi qu’il arrive, je suis déjà reconnaissant. Grâce au Tour des Stations Ultimate, je suis dans une forme que je n’ai plus eue depuis plusieurs années. J’ai des abdos. Mes sorties d’entraînement XXL m’ont emmené loin du stress quotidien. Mais je dois rester humble et je ne sait pas ce que cette course me réserve!

Dans un article séparé, je parlerai de mon vélo et de mon équipement. Suivez-moi sur Insta: durant la course, j’espère pouvoir envoyer quelques photos et vidéos à Lillie, qui les postera.



Alain Rumpf

Alain Rumpf

Cycliste passionné depuis plus de 35 ans, Alain Rumpf est bien connu sur les réseaux sociaux grâce à son compte « A Swiss with a Pulse » qui compte plus de 13’500 followers.

Dans une précédente vie, il a été coureur cycliste Elite et a travaillé 20 ans pour l’Union Cycliste Internationale. En 2014, il décide de quitter le confort d’un bureau pour devenir guide, photographe, rédacteur et consultant. Il collabore avec Suisse Tourisme, Haute Route, Scott, Apidura, Alpes Vaudoises, Garmin, Vélo Magazine, Chasing Cancellara et bien d’autres. Il dirige le site Switchback, un guide du vélo de route et du gravel dans les Alpes et au-delà. Découvrez ses projets sur son site www.aswisswithapulse.com et tous ses articles sur cycliste.ch.