Race Across France : la victoire ne se trouve pas toujours sur la ligne d’arrivée (1/2)

Comme dans les meilleurs scénarios que nous nous étions fait dans nos têtes (visualisation positive oblige), un article qui raconte comment nous avons réussi à parcourir 534 km et plus de 8000 m. de D+ en moins de 40 heures aurait été drôlement chouette à écrire. Malheureusement *spoil* ce ne sera pas pour cette fois.

Nous étions inscrits en duo à la Race Across France (RAF) qui avait lieu fin juin. Nous avons pris le départ mais ne sommes jamais passés la ligne d’arrivée. Après 350 km de plaisir et de bataille avec nous-mêmes, nous avons pris la difficile décision d’arrêter la course. Pas de t-shirt « Finisher », pas de petit trophée en bois portant nos noms et pourtant… tant de choses à écrire et à vous raconter. Rembobinons un peu.

Fin mars 2021, achat de nos premiers vélos de route. Avril, premiers 100 km. Juillet, premiers 200. Eté 2021, découverte de la RAF grâce à l’inspirant podcast Ultra Talk. Septembre, Genève – Barcelone en 10 jours. Novembre inscription en duo à la RAF 500, motivée par Fiona, encouragée par Bryan. Et entre novembre 2021 et juin 2022, beaucoup, beaucoup d’apprentissages et de petites victoires qui ne se résument pas qu’à 8 lettres blanches sur un tissu foncé.

Dès notre inscription validée, la course a été un très bon prétexte pour rouler n’importe quand, par tous les temps et un peu partout. Du canton du Jura au Jura français, à Strasbourg en passant par les Alpes et Paris. De Noël à Nouvel An. De la tombée de la nuit au lever du jour.

Notre objectif, un peu lointain par moments, et un peu trop proche par d’autres, nous a aussi certainement donné une motivation et un sens à des sorties qui en avaient peut-être moins au premier regard. On repense par exemple à ce samedi soir où nous avions décidé d’aller rouler de nuit plutôt que d’être présents à un anniversaire. Au moment de sortir, la seule pensée qui résonne est : quelle idée de vouloir être sur un vélo jusqu’à 1h du matin plutôt que boire un verre entre amis. Heureusement, le film sur le Mont Ventoux que nous regardions ce soir-là pour attendre la tombée de la nuit, fut très peu à notre goût, au point de nous faire quitter le canapé plus tôt que prévu pour enfin attaquer cet entraînement nocturne. C’est d’ailleurs une fois en selle que tout prend son sens. L’objectif est en tête, le plaisir est là et le shot de dopamine est bien plus efficace que n’importe quelle tournée d’alcool. Tout est aligné.

Mais tout ne roule pas toujours aussi bien et les apprentissages se trouvent aussi (et surtout) dans les « échecs ».

Fin mai, les cols alpins ont pratiquement tous réouverts et cela coïncide parfaitement avec notre envie de réaliser notre premier 300 km et notre première nuit entière sur le vélo.

Mais pour deux premières fois, nous comprendrons plus tard que notre plan était (trop) ambitieux avec plus de 6000 m. de D+.

Nous partons en fin de journée de Thoune pour attaquer la Grosse Scheidegg. Fiona est plutôt stressée de passer une nuit entière sur le vélo. Pourtant nous remarquerons bien vite que, bien équipés, nous sommes bien plus visibles la nuit que le jour et que les routes (du moins celles-là, ce weekend-là) sont bien moins empruntées le soir que la journée. (C’est d’ailleurs en plein jour et non de nuit, avant Grindelwald, qu’un autocar nous frôlant de trop près, fit tomber Bryan dans le talus…)

La première ascension est exigeante et nos vélos sont alourdis par le poids des habits de rechange qui nous aideront à passer la nuit encore fraîche à cette saison et à cette altitude. Arrivés au sommet, après avoir enfilé des habits secs et manger nos habituels sandwichs, nous entamons la descente pour repartir de plus belle en pleine et débuter l’assaut du Grimsel. Nous avançons dans la nuit noire et fraîche et essayons de lutter contre les premiers signes de fatigue, un peu trop nombreux. D’un commun accord, nous entamons, en bord de route, sur le macadam, notre première micro-sieste (la première d’une longue série dans notre jeune expérience de la « longue » distance). Au réveil, c’est-à-dire 15 minutes plus tard, notre constat est commun, notre projet est trop ambitieux au regard des conditions climatiques et de notre état général. Continuer à s’engager dans ce col culminant à plus de 2000 m. d’altitude, à cette heure-ci, avec la fatigue et la température qui dégringole, n’est pas des plus judicieux.

La raison nous rattrape, on laissera la place à la folie ou à l’audace un autre jour, on fait demi-tour.

On continuera finalement notre tour jusqu’à Brienz où deux bancs nous ouvrent leur bras pour 1-2h de sommeil, emballés dans nos couvertures de survie. Réveillés par le froid, nous continuerons la route jusqu’à Thoune, admirant le lever de soleil depuis le vélo, comme nous l’avions fait la veille pour le coucher. Quel privilège.

A ce moment-là, toute déception est effacée.

Le trajet retour en train jusqu’à la maison est fait de remises en questions. Nous sommes-nous inscrits à quelque chose de plus gros que notre niveau ? Devons-nous changer notre inscription pour passer sur le parcours de 300 km ? Devrions-nous plutôt tout annuler ? Quelques bonnes nuits de sommeil nous remettent vite les idées en place. Cette expérience nous permet de lister des petites choses à améliorer comme des sacoches trop chargées ou ne pas s’être assez reposés les jours précédents. Nous entreprenons même une modification notable pour l’avenir de notre pratique : le changement de notre cassette pour passer sur du 11-40. Quel bonheur ! Le seul regret ? Ne pas l’avoir fait plus tôt.

Riches de nos apprentissages et envieux de ne pas rester sur un « inachevé », nous réitérons l’expérience deux semaines plus tard avec un nouveau parcours de 275 km et 5000 m. de D+. Cette fois-ci, la tentative est couronnée de succès et célébrée d’un bon burger une fois arrivés à Andermatt, 21h après notre départ du Jura !

A peine le temps de se remettre de cette belle victoire personnelle, que l’heure du départ à sonner. Nous sommes le vendredi 24 juin 2022 et hier nous sommes arrivés sous une pluie battante à Saint-Jean-en-Royans, village de départ de notre course.

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Fiona & Bryan

Fiona et Bryan ont décidé de se lancer pour leur premier séjour à vélo en 2019. Toute la logistique avait (presque) été réfléchie jusqu’aux moindres détails mais c’était sans compter l’arrivée d’une insolation et de gros orages. Sans trousse médicale et sans vêtements de pluie, ils ont écourté leur séjour au bout de deux jours et sont rentrés avec la paradoxale envie de recommencer.

Depuis l’été 2020 toutes leurs vacances se sont faites à vélo, à sillonner les différents itinéraires nationaux. Toujours plus assoiffés par les km, le dénivelé et les paysages, ils décident d’acquérir chacun un vélo de route en 2021. C’est le coup de foudre et les itinéraires d’un ou plusieurs jours dans leur Jura et ailleurs s’enchaînent. Le plus grand voyage en date est un Genève – Barcelone. Leur passion pour le cyclisme grandit en même temps que leur couple et ils ne sont pas prêts de lâcher ni l’un, ni l’autre mais bien de vous en faire partager ici, sur leur compte Instagram @lebruitdugravier et sur leur site lebruitdugravier.ch.